Mercredi des Cendres

 

Textes liturgiques

Oraison - Accordez, Seigneur, à vos fidèles, d’entreprendre avec la piété convenable, la pratique de ces jeûnes vénérables et solennels et d’en parcourir la carrière avec une dévotion que rien ne puisse troubler.

Epitre du Prophète Joël (Joël II, 12-19) - Voici ce que dit le Seigneur : revenez à moi de tout votre cœur, avec des jeûnes avec des larmes et des lamentations. Déchirez vos cœurs, et non vos vêtements, et revenez au Seigneur, votre Dieu ; car il est miséricordieux et compatissant, lent à la colère et riche en bonté, et il s’afflige du mal qu’il envoie. Qui sait s’il ne reviendra pas et ne se repentira pas, et s’il ne laissera pas après lui une bénédiction, l’offrande et la libation pour le Seigneur, notre Dieu ? Sonnez de la trompette en Sion, publiez un jeûne, convoquez une assemblée. Assemblez le peuple, publiez une sainte réunion, rassemblez les vieillards, réunissez les enfants et les nourrissons à la mamelle. Que le nouvel époux quitte sa chambre, et l’épouse son pavillon. Qu’entre le portique et l’autel, les prêtres, ministres du Seigneur, pleurent, et qu’ils disent : Seigneur, épargnez votre peuple, et ne livrez pas votre héritage à l’opprobre, pour être l’objet des moqueries des nations. Pourquoi dirait-on parmi les peuples : « Où est leur Dieu ? » Le Seigneur a été ému de jalousie pour son pays, et il a eu pitié de son peuple. Le Seigneur a répondu et dit à son peuple : Voici que je vais vous envoyer le blé, le vin nouveau et l’huile, et vous en serez rassasiés et je ne ferai plus de vous un sujet d’opprobre parmi les nations. C’est ce que dit le Seigneur tout-puissant.

 

Saint Evangile selon Saint Mathieu (Mt 6, 16-21) - En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air sombre, comme les hypocrites, qui exténuent leur visage, pour faire paraître aux hommes qu’ils jeûnent ; en vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense. Pour toi, quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, afin qu’il ne paraisse pas aux hommes que tu jeûnes, mais à ton Père qui est présent dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où les voleurs percent les murs et dérobent. Mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où ni la teigne ni les vers ne consument, et où les voleurs ne percent pas les murs ni ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.

Leçon de saint Augustin (Liber 2 de Sermone Domini in monte, 12, 4) - Il est manifeste que ces préceptes tendent à diriger toute notre intention vers les joies intérieures de peur qu’en cherchant au dehors notre récompense, nous ne prenions modèle sur le monde présent et ne perdions la promesse d’un bonheur d’autant plus solide et plus ferme qu’il est plus intérieur. Par cette promesse, « Dieu nous a prédestinés à être conformes à l’image de son Fils » (Rm 8, 29). Mais en ce chapitre de l’évangile, il faut surtout remarquer que ce n’est pas seulement dans l’éclat et le luxe des choses corporelles mais jusque dans le négligé d’une tenue de deuil qu’il peut y avoir jactance et avec d’autant plus de danger qu’elle trompe sous l’étiquette du service de Dieu. Celui-là donc qui éblouit par un culte immodéré du corps et du vêtement et par le clinquant d’autres objets est du fait même facilement convaincu d’être un adepte des pompes du siècle. Personne ne se laissera prendre à ses simagrées de sainteté. Que dire de celui qui dans sa profession de christianisme attire sur lui les regards des hommes par une malpropreté hors de mise et cela volontairement sans y être réduit par la nécessité ? L’ensemble de sa conduite prouvera s’il agit de la sorte par mépris d’un luxe superflu ou par une certaine ostentation. Le Seigneur en effet nous recommande de nous garder des loups qui viennent à nous déguisés en brebis. « Vous les reconnaîtrez à leurs fruits », dit-il.

Lorsque, par suite de quelques épreuves, ils commenceront à se voir dépouillés et privés des avantages que, sous couvert d’austérité, ils avaient obtenus ou désiraient obtenir, alors apparaîtra nécessairement s’il y avait un loup dans la peau de la brebis ou une brebis dans la sienne ! Mais il ne faut pas pour cela qu’un chrétien cherche à flatter les regards des hommes par les ornements superflus, sous prétexte que les hypocrites aussi usurpent trop souvent cet extérieur austère et contraint afin de tromper les naïfs, car les brebis ne doivent pas se dépouiller de leur peau si parfois les loups s’en revêtent.

Commentaire de Dom Guéranger

L’appel du Prophète - Hier le monde s’agitait dans ses plaisirs, les enfants de la promesse eux-mêmes se livraient à des joies innocentes ; dès ce matin, la trompette sacrée dont parle le Prophète a retenti. Elle annonce l’ouverture solennelle du jeûne quadragésimal, le temps des expiations, l’approche toujours plus imminente des grands anniversaires de notre salut. Levons-nous donc, chrétiens, et préparons-nous à combattre les combats du Seigneur.

L’armure spirituelle - Mais, dans cette lutte de l’esprit contre la chair, il nous faut être armés, et voici que la sainte Église nous convoque dans ses temples, pour nous dresser aux exercices de la milice spirituelle. Déjà saint Paul nous a fait connaître en détail toutes les parties de notre défense : « Que la vérité, nous a-t-il dit, soit votre ceinture, la justice votre cuirasse, la docilité à l’Évangile votre chaussure, la foi votre bouclier, l’espérance du salut le casque qui protégera votre tête ». Le Prince des Apôtres vient lui-même, qui nous dit : « Le Christ a souffert dans sa chair ; armez-vous de cette pensée ». Ces enseignements apostoliques, l’Église aujourd’hui nous les rappelle ; mais elle en ajoute un autre non moins éloquent, en nous forçant à remonter jusqu’au jour de la prévarication, qui a rendu nécessaires les combats auxquels nous allons nous livrer, les expiations par lesquelles il nous faut passer.

Les ennemis à combattre - Deux sortes d’ennemis sont déchaînés contre nous : les passions dans notre cœur, les démons au dehors ; l’orgueil a fait tout ce désordre. L’homme a refusé d’obéir à Dieu ; toutefois, Dieu l’a épargné, mais à la dure condition de subir la mort. Il a dit : « Homme, tu n’es que poussière, et tu rentreras dans la poussière ». Oh ! Pourquoi avons-nous oublié cet avertissement ? À lui seul il eût suffi pour nous prémunir contre nous-mêmes ; pénétrés de notre néant, nous n’eussions jamais osé enfreindre la loi de Dieu. Si maintenant nous voulons persévérer dans le bien où la grâce du Seigneur nous a rétablis, humilions-nous ; acceptons la sentence, et ne considérons plus la vie que comme un chemin plus ou moins court qui aboutit au tombeau. A ce point de vue, tout se renouvelle, tout s’éclaire. L’immense bonté de Dieu qui a daigné attacher son amour à des êtres dévoués à la mort, nous apparaît plus admirable encore ; notre insolence et notre ingratitude envers celui que nous avons bravé, durant ces quelques instants de notre existence, nous semble de plus en plus digne de regrets, et la réparation qu’il nous est possible de faire, et que Dieu daigne accepter, plus légitime et plus salutaire.

L’imposition des cendres - Tel est le motif qui porta la sainte Église, lorsqu’elle jugea à propos, il y a plus de mille ans, d’anticiper de quatre jours le jeûne quadragésimal, à ouvrir cette sainte carrière en marquant avec la cendre le front coupable de ses enfants, et en redisant à chacun les terribles paroles du Seigneur qui nous dévouent à la mort. Mais l’usage de la cendre, comme symbole d’humiliation et de pénitence, est bien antérieur à cette institution, et nous le trouvons déjà pratiqué dans l’ancienne alliance. Job lui-même, au sein de la gentilité, couvrait de cendres sa chair frappée par la main de Dieu, et implorait ainsi miséricorde, il y a quatre mille ans. Plus tard, le Roi-Prophète, dans l’ardente contrition de son cœur, mêlait la cendre au pain amer qu’il mangeait ; les exemples analogues abondent dans les Livres historiques et dans les Prophètes de l’Ancien Testament. C’est que l’on sentait dès lors le rapport qui existe entre cette poussière d’un être matériel que la flamme a visité, et l’homme pécheur dont le corps doit être réduit en poussière sous le feu de la justice divine. Pour sauver du moins l’âme des traits brûlants de la vengeance céleste, le pécheur courait à la cendre, et, reconnaissant sa triste fraternité avec elle, il se sentait plus à couvert de la colère de celui qui résiste aux superbes et veut bien pardonner aux humbles.

Les pénitents publics - Dans l’origine, l’usage liturgique de la cendre, au Mercredi de la Quinquagésime, ne paraît pas avoir été appliqué à tous les fidèles, mais seulement à ceux qui avaient commis quelqu’un de ces crimes pour lesquels l’Eglise infligeait la pénitence publique. Avant la Messe de ce jour, les coupables se présentaient à l’église où tout le peuple était rassemblé. Les prêtres recevaient l’aveu de leurs péchés, puis ils les couvraient de cilices et répandaient la cendre sur leurs têtes. Après cette cérémonie, le clergé et le peuple se prosternaient contre terre, et on récitait à haute voix les sept psaumes pénitentiaux. La procession avait lieu ensuite, à laquelle les pénitents marchaient nu-pieds. Au retour, ils étaient solennellement chassés de l’église par l’Evêque, qui leur disait : « Voici que nous vous chassons de l’enceinte de l’Eglise, à cause de vos péchés et de vos crimes, comme Adam, le premier homme, fut chassé du Paradis, à cause de sa transgression ». Le clergé chantait ensuite plusieurs Répons tirés de la Genèse, dans lesquels étaient rappelées les paroles du Seigneur condamnant l’homme aux sueurs et au travail, sur cette terre désormais maudite. On fermait ensuite les portes de l’église, et les pénitents n’en devaient plus franchir le seuil que pour venir recevoir solennellement l’absolution, le Jeudi-Saint.

Extension du rite liturgique - Après le XI° siècle, la pénitence publique commença à tomber en désuétude ; mais l’usage d’imposer les cendres à tous les fidèles, en ce jour, devint de plus en plus général, et il a pris place parmi les cérémonies essentielles de la Liturgie romaine. Autrefois, on s’approchait nu-pieds pour recevoir cet avertissement solennel du néant de l’homme, et, encore au XII° siècle, le Pape lui-même, se rendant de l’Eglise de Sainte-Anastasie à celle de Sainte-Sabine où est la Station, faisait tout ce trajet sans chaussure, ainsi que les Cardinaux qui l’accompagnaient. L’Eglise s’est relâchée de cette rigueur extérieure ; mais elle n’en compte pas moins sur les sentiments qu’un rite aussi imposant doit produire en nous.

Ainsi que nous venons de le dire, la Station, à Rome, est aujourd’hui à Sainte-Sabine, sur le Mont-Aventin. C’est sous les auspices de cette sainte Martyre que s’ouvre la pénitence quadragésimale.

La fonction sacrée commence par la bénédiction des cendres que l’Église va imposer sur nos fronts. Ces cendres sont faites des rameaux qui ont été bénis l’année précédente, au Dimanche qui précède la Pâque. La bénédiction qu’elles reçoivent dans ce nouvel état a pour but de les rendre plus dignes du mystère de contrition et d’humilité qu’elles sont appelées à signifier.

Le chœur chante d’abord cette Antienne, qui implore la divine miséricorde.

Exaucez-nous, Seigneur, car votre miséricorde est compatissante ; selon la multitude de vos miséricordes, jetez un regard sur nous, Seigneur. Ps. Sauvez-moi, ô Dieu, car les eaux ont pénétré jusqu’à mon âme. Gloire au Père. Exaucez-nous.

Le Prêtre, à l’autel, ayant près de lui les cendres mystérieuses, prononce les Oraisons par lesquelles il demande à Dieu d’en faire pour nous un moyen de sanctification.

Oraison - Dieu tout-puissant et éternel, pardonnez au repentir, soyez propice aux supplications, et daignez envoyer du ciel votre saint Ange pour bénir et sanctifier ces cendres, afin qu’elles deviennent un remède salutaire à ceux qui implorent humblement votre saint Nom, qui, reconnaissant leurs péchés, s’accusent eux-mêmes, déplorent leurs méfaits sous les regards de votre divine clémence, et implorent avec ardeur par leurs supplications votre très douce miséricorde. Daignez faire que par l’invocation de votre très saint Nom, tous ceux sur lesquels ces cendres seront répandues, pour le rachat de leurs péchés, reçoivent la santé du corps et la protection de l’âme. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Oraison - O Dieu, qui ne voulez pas notre mort, mais notre pénitence, considérez avec bonté la fragilité de la condition humaine, et daignez bénir dans votre miséricorde ces cendres que nous voulons recevoir sur nos têtes, en signe d’humilité, et pour mériter le pardon ; afin que, reconnaissant que nous ne sommes que cendre, et que nous devons retourner en poussière, pour la punition de notre malice, nous méritions d’obtenir de votre miséricorde le pardon de tous nos péchés, et les récompenses promises aux pénitents. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Oraison - Mon Dieu, qui vous laissez fléchir par l’humilité et apaiser par la satisfaction, inclinez à nos prières l’oreille de votre miséricorde, et daignez répandre la grâce de votre bénédiction sur les têtes de vos serviteurs, lorsqu’elles auront été marquées de ces cendres ; remplissez vos fidèles de l’esprit de componction, accordez-leur pleinement les demandes justes qu’ils vous présenteront ; affermissez et conservez en eux les faveurs que vous leur aurez accordées. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Oraison - Dieu tout-puissant et éternel, de qui les Ninivites qui firent pénitence sous la cendre et le cilice reçurent le remède et le pardon, daignez accorder à nous qui les imitons dans l’extérieur, d’être comme eux l’objet de votre miséricorde. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Après ces Oraisons, le Prêtre asperge les cendres avec l’eau bénite, puis il les parfume avec l’encens. Ces rites étant accomplis, il reçoit lui-même de ces cendres sur la tête par la main du prêtre le plus qualifié dans le clergé qui dessert l’église. Celui-ci les reçoit à son tour du célébrant qui, après les avoir imposées aux ministres de l’autel et au reste du clergé, les distribue au peuple.

Lorsque le Prêtre s’approchera pour vous marquer du sceau de la pénitence, acceptez avec soumission l’arrêt de mort que Dieu lui-même prononcera sur vous : « Homme, souviens-toi que tu es poussière, et que tu rentreras dans la poussière ».

Humiliez-vous, et rappelez-vous que c’est pour avoir voulu être comme des dieux, préférant notre volonté à celle du souverain Maître, que nous avons été condamnés à mourir. Songeons à cette longue suite de péchés que nous avons ajoutés à celui d’Adam, et admirons la clémence de Dieu qui se contentera d’une seule mort pour tant de révoltes.

Pendant la distribution des cendres, le chœur chante les deux Antiennes et le Répons ci-après.

Antienne - Changeons nos vêtements, couvrons-nous de la cendre et du cilice, jeûnons et pleurons devant le Seigneur ; car notre Dieu est tout miséricordieux, et il nous remettra nos péchés.

Antienne - Entre le vestibule et l’autel, les prêtres ministres du Seigneur pleureront et diront : Pardonnez, Seigneur, pardonnez à votre peuple, et ne fermez pas la bouche de ceux qui chantent vos louanges, Seigneur.

Répons. - Réparons les péchés que notre aveuglement nous a fait commettre, de peur que, surpris tout à coup par le jour de la mort, nous ne cherchions le temps de la pénitence, sans pouvoir le trouver. * Regardez-nous. Seigneur, et ayez pitié de nous ; car nous avons péché contre vous. Ps. Aidez-nous, ô Dieu notre Sauveur, et, pour l’honneur de votre Nom, Seigneur, délivrez-nous * Regardez. Gloire * Regardez

La distribution des cendres étant terminée, le Prêtre chante l’Oraison suivante :

Accordez-nous, Seigneur, de commencer dignement par ce saint jeûne la carrière de la milice chrétienne, afin que, devant combattre les esprits de malice, nous ayons pour défense contre leurs efforts le secours de l’abstinence. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

A la messe

Rassurée par l’acte d’humilité qu’elle vient d’accomplir, l’âme chrétienne se laisse aller à la confiance envers le Dieu de miséricorde. Elle ose lui rappeler son amour pour les hommes qu’il a créés, et la longanimité avec laquelle il a daigné attendre leur retour à lui. Ces sentiments sont le sujet de l’Introït, dont les paroles sont empruntées au livre de la Sagesse.

Vous avez pitié de tous, Seigneur, et vous ne haïssez aucun de ceux que vous avez faits : vous dissimulez les péchés des hommes pour leur laisser le temps de la pénitence, et vous leur pardonnez ; car vous êtes le Seigneur notre Dieu. Ps. Ayez pitié de moi, ô Dieu, ayez pitié de moi ; car mon âme se confie en vous. Gloire au Père. Vous avez pitié de tous.

Dans la Collecte, l’Eglise demande pour ses enfants que la salutaire pratique du jeûne soit par eux accueillie avec empressement, et qu’ils y persévèrent pour le bien de leurs âmes.

Accordez, Seigneur, à vos fidèles d’accepter avec une piété sincère la solennité vénérable de ces jeûnes, et d’en fournir la carrière avec une dévotion que rien ne puisse troubler. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Efficacité du jeûne - Ce magnifique passage du Prophète (Epître de Joël) nous révèle l’importance que le Seigneur attache à l’expiation par le jeûne. Quand l’homme contrit de ses péchés afflige sa chair, Dieu se laisse fléchir. L’exemple de Ninive l’a prouvé ; et si le Seigneur pardonna à une ville infidèle, par cela seul que ses habitants imploraient sa pitié sous les livrées de la pénitence, que ne fera-t-il pas en faveur de son peuple, qui sait joindre à l’immolation du corps le sacrifice du cœur ? Entrons donc avec courage dans la voie de la pénitence ; et si l’affaiblissement des sentiments de la foi et de la crainte de Dieu semble faire tomber autour de nous des pratiques qui sont aussi anciennes que le christianisme, et sur lesquelles il est pour ainsi dire fondé, gardons-nous d’abonder dans Je sens d’un relâchement qui a porté un terrible préjudice à l’ensemble des mœurs chrétiennes. Songeons surtout à nos engagements personnels avec la justice divine qui ne nous remettra nos fautes et les peines qu’elles méritent, qu’autant que nous nous montrerons empressés à lui offrir la satisfaction à laquelle elle a droit. Nous venons de l’entendre : notre corps que nous flatterions n’est que cendre et poussière, et notre âme, que nous serions si souvent portés à lui sacrifier, a des droits à réclamer contre lui.

L’Eglise, dans le Graduel, continue d’épancher les sentiments de sa confiance envers le Dieu de toute bonté ; elle se flatte que ses enfants seront fidèles aux moyens qu’elle leur propose pour le désarmer.

Ayez pitié de moi, ô mon Dieu, ayez pitié de moi ; car mon âme se confie en vous. V/. Le Seigneur m’a envoyé du ciel un secours, et il m’a délivré ; il a couvert de confusion ceux qui me foulaient aux pieds.

Le Trait est cette belle prière de David, que l’Eglise répète trois fois par semaine, dans le cours du Carême, et qu’elle emploie pour désarmer la colère de Dieu dans les temps de calamités.

V/. Seigneur, ne nous traitez pas selon les péchés que nous avons commis, et ne nous rendez pas selon nos iniquités. V/. Seigneur, ne vous souvenez plus de nos iniquités passées ; que vos miséricordes se hâtent de nous prévenir ; car nous sommes réduits à une extrême misère. V/. Secourez-nous, ô Dieu notre Sauveur, et, pour la gloire de votre Nom, délivrez-nous, Seigneur, et pardonnez-nous nos péchés, à cause de votre Nom.

Dans l’Evangile selon St Matthieu, Notre Seigneur ne veut pas que nous recevions l’annonce du jeûne expiatoire comme une nouvelle triste et affligeante. Le chrétien qui comprend combien il est dangereux pour lui d’être en retard avec la justice de Dieu, voit arriver le temps du Carême avec joie et consolation. Il sait à l’avance que s’il est fidèle aux prescriptions de l’Eglise, il allégera le fardeau qui pèse sur lui. Ces satisfactions, si adoucies aujourd’hui par l’indulgence de l’Eglise, étant offertes à Dieu avec celles du Rédempteur lui-même, et fécondées par cette communauté qui réunit en un faisceau de propitiation les saintes œuvres de tous les membres de l’Eglise militante, purifieront nos âmes et les rendront dignes de participer aux joies si pures de la Pâque. Ne soyons donc pas tristes de ce que nous jeûnons ; soyons-le seulement d’avoir, par le péché, rendu notre jeûne nécessaire. Le Sauveur nous donne un second conseil que l’Eglise nous répétera souvent dans tout le cours de la sainte Quarantaine : celui de joindre l’aumône aux privations du corps. Il nous engage à thésauriser, mais pour le ciel. Nous avons besoin d’intercesseurs : cherchons-les parmi les pauvres.

Dans l’Offertoire, l’Eglise chante notre délivrance. Elle se réjouit de voir déjà guéries les plaies de nos âmes ; car elle compte sur notre persévérance.

Je vous glorifierai, Seigneur ; car vous m’avez relevé, et vous n’avez pas réjoui mes ennemis de ma ruine. Seigneur, j’ai crié vers vous, et vous m’avez guéri.

Secrète

Daignez, Seigneur, nous rendre dignes de vous offrir, comme nous le devons, ces dons sacrés, par l’oblation desquels nous célébrons l’ouverture solennelle de ce temps plein de mystères. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

L’Eglise commence aujourd’hui l’usage de la Préface quadragésimale.

Oui, c’est une chose digne et juste, équitable et salutaire, de vous rendre grâces en tout temps et en tous lieux, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, qui par le jeûne auquel vous assujettissez nos corps, comprimez la source de nos vices, élevez nos âmes, donnez la force et assurez la récompense : par Jésus-Christ notre Seigneur. C’est par lui que les Anges louent votre Majesté, que les Dominations l’adorent, que les Puissances la révèrent en tremblant, que les Cieux et les Vertus des cieux la célèbrent avec transport. Daignez permettre à nos voix de s’unir à leurs voix, afin que nous puissions dire dans une humble confession : Saint ! Saint ! Saint !

Les paroles que l’Eglise fait entendre dans l’Antienne de la Communion sont un conseil important qu’elle nous donne. Durant cette longue carrière, nous aurons besoin de soutenir notre courage ; méditons la loi du Seigneur et ses mystères. Si nous goûtons la Parole de Dieu que l’Eglise nous proposera chaque jour, la lumière et l’amour iront toujours croissant en nos cœurs, et lorsque le Sauveur sortira des ombres du sépulcre, ses clartés se réfléchiront sur nous.

Celui qui méditera jour et nuit la loi du Seigneur, portera son fruit en son temps.

Postcommunion

Que les Sacrements auxquels nous avons participé nous donnent, Seigneur, le secours qui est nécessaire, afin que nos jeûnes vous soient agréables et servent à notre guérison. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Oraison sur le peuple

Tous les jours du Carême, excepté les Dimanches, avant de congédier l’assemblée des fidèles, le Prêtre prononce sur eux une Oraison particulière, qui est toujours précédée de cet avertissement solennel : « Humiliate capita vestra Deo. - Humiliez vos têtes devant Dieu. »

Regardez, Seigneur, d’un œil favorable ceux qui se prosternent devant votre Majesté ; afin que, rassasiés de votre don divin, ils se sentent toujours nourris par ce secours céleste. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

Catéchisme de St Pie X

III-4. § 3. Le second précepte de l’Église.

484. En quoi consiste le jeûne ?

Le jeûne consiste à ne faire qu’un seul repas par jour et à s’abstenir des aliments défendus.

485. Aux jours de jeûne, peut-on faire le soir une petite collation ?

Par une condescendance de l’Église on peut, les jours de jeûne, faire le soir une petite collation.

486. À quoi sert le jeûne ?

Le jeûne sert à mieux nous préparer à la prière, à faire pénitence des péchés commis, et à nous préserver d’en commettre de nouveaux.

487. Qui est obligé au jeûne ?

Sont obligés au jeûne tous les chrétiens qui ont de 18 à 60 ans accomplis (code de 83), et qui ne sont ni dispensés ni excusés par un empêchement légitime.

488. Ceux qui ne sont pas obligés au jeûne sont-ils absolument dispensés de toute mortification ?

Ceux qui ne sont pas obligés au jeûne ne sont pas absolument dispensés de toute mortification, parce que nous sommes tous obligés à faire pénitence.

489. Dans quel but a été institué le Carême ?

Le Carême a été institué pour imiter en quelque façon le jeûne rigoureux de quarante jours que Jésus-Christ fit dans le désert, et pour nous préparer par la pénitence à célébrer saintement la fête de Pâques.

493. Qu’est-ce qui nous est défendu les vendredis où il n’y a pas de dispense ?

Le vendredi où il n’y a pas de dispense, il nous est défendu de manger de la viande, sauf en cas de nécessité.

494. Pourquoi l’Église a-t-elle voulu que nous nous abstenions ces jours-là de manger de la viande ?

Afin que nous fassions pénitence chaque semaine, et surtout le vendredi en l’honneur de la Passion.