Mardi de la 1ère semaine de carême

 

Textes liturgiques

Oraison - Regardez favorablement votre famille, Seigneur, et faites que notre âme, qui se châtie par la mortification de la chair, brille à vos yeux par un ardent désir de vous posséder.

Epitre du Prophète Isaïe (Is LV, 6-11) - En ces jours-là, le prophète Isaïe parla ainsi : Cherchez le Seigneur, pendant qu’on peut le trouver ; Invoquez-le, tandis qu’il est près. Que le méchant abandonne sa voie, et le criminel ses pensées ; qu’il revienne au Seigneur, et il lui fera grâce ; à notre Dieu, car il pardonne largement, car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies, - dit le Seigneur. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies et mes pensées au-dessus de vos pensées. Comme la pluie et la neige descendent du ciel et n’y retournent pas, qu’elles n’aient abreuvé et fécondé la terre et qu’elles ne l’aient fait germer, qu’elles n’aient donné la semence au semeur ; et le pain à celui qui mange ; ainsi en est-il de ma parole qui sort de ma bouche, elle ne revient pas à moi sans effet, mais elle exécute ce que j’ai voulu, et accomplit ce pour quoi je l’ai envoyée, dit le Seigneur tout-puissant.

Saint Evangile selon Saint Matthieu (XXI, 10-17) - En ce temps- là, Jésus étant entré dans Jérusalem, toute la ville fut en émoi ; on disait : « Qui est celui-ci ? » Et les foules disaient : « C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée. » Jésus entra dans le temple et chassa tous ceux qui vendaient et achetaient dans le temple ; il renversa les tables des changeurs et les sièges de ceux qui vendaient les colombes ; et il leur dit : « Il est écrit : Ma maison sera appelée maison de prière ; mais vous, vous en faites une caverne de voleurs. » Des aveugles et des boiteux vinrent à lui dans le temple, et il les guérit. Mais les grands prêtres et les scribes, voyant les miracles qu’il venait de faire et les enfants qui criaient dans le temple et disaient : « Hosanna au fils de David ! » s’indignèrent, et ils lui dirent : « Entendez-vous ce qu’ils disent ? — Oui, leur dit Jésus. N’avez-vous jamais lu : De la bouche des petits enfants et des nourrissons vous avez préparé une louange ? » Et les ayant laissés là, il sortit de la ville pour (gagner) Béthanie, où il demeura.

Oraison sur le peuple - Que nos prières s’élèvent vers vous, Seigneur, et détournez de votre Eglise tout ce qui pourrait lui nuire.

Leçon de saint Bède le Vénérable (Homilía 7 in Quadrag. tom. 7) - En chassant du Temple les trafiquants, le Seigneur exprima en plus clair cela même qu’il avait fait naguère symboliquement par la malédiction du figuier sans fruit. Or, ce n’était pas la faute de l’arbre s’il n’avait pas de figues pour rassasier le Seigneur : la saison n’en était pas encore venue. Mais les prêtres qui s’adonnaient au commerce profane dans la Maison du Seigneur et se dispensaient de porter le fruit de piété qui leur incombait, et que le Seigneur désirait goûter en eux, ceux-là étaient bien en faute. Le Seigneur dessécha l’arbre par sa malédiction ; ainsi les hommes, voyant le fait, ou l’apprenant, comprendraient combien plus ils seraient eux-mêmes condamnables au jugement divin si, sans le fruit des œuvres, ils se berçaient seulement aux applaudissements récoltés par leurs pieuses paroles comme au bruissement et à la protection d’un verdoyant feuillage.

Mais parce qu’ils n’ont pas compris, le Seigneur exerça sur eux la rigueur d’un châtiment mérité. Il rejeta le trafic des affaires humaines hors de cette maison où il avait été ordonné de ne traiter que les affaires divines : offrir à Dieu des victimes et des prières ; lire, entendre, et chanter la Parole de Dieu. Il est néanmoins à croire qu’il ne vit vendre ou acheter dans le Temple que le nécessaire pour le service de ce Temple, selon le récit que nous lisons ailleurs : Quand il entra dans le Temple, « il y trouva les marchands de bœufs, de brebis et de colombes. » Probablement, en effet, les gens qui venaient de loin se procuraient sur place tout cela, uniquement pour l’offrir dans la Maison du Seigneur.

Même ce qu’il désirait voir offrir dans le Temple si le Seigneur n’a pas voulu le laisser vendre dans le Temple probablement à cause du penchant à l’avarice et à la fraude, qui est habituellement le délit propre aux commerçants, quel châtiment, penses-tu, aurait-il infligé s’il y avait trouvé des gens se livrant au rire et au bavardage, ou s’adonnant à quelque autre vice ? Car si le Seigneur ne supportait pas que l’on traite dans sa Maison des affaires temporelles qui sont légitimes ailleurs, combien plus ce qui n’est jamais permis méritera-t-il la colère divine si cela se passe dans les édifices consacrés à Dieu ? Mais, puisque le Saint-Esprit est apparu en forme de colombe au-dessus du Seigneur, c’est à juste titre que les charismes de l’Esprit-Saint sont signifiés par les colombes. Or, dans le Temple de Dieu aujourd’hui, qui vend des colombes sinon ceux qui dans l’Eglise reçoivent de l’argent pour l’imposition des mains ? Par cette imposition, en effet, le Saint-Esprit est donné d’en-haut.

Dom Guéranger, L’année liturgique - (pour mardi de la 1ère sem. de Carême)

A Rome, la Station est dans l’Église de Sainte-Anastasie, là même où l’on célébrait, dans l’antiquité, la Messe de l’Aurore, le jour de Noël. C’est sous la protection de cette sainte Martyre, immolée le jour même de la naissance du Sauveur, que nos vœux sont aujourd’hui présentés au Père des miséricordes.

Sur l’Epître - Le Prophète nous annonce de la part du Seigneur que si notre retour est sincère, la miséricorde descendra sur nous. En vain l’homme cherchera-t-il à mesurer la distance infinie qui sépare la souveraine sainteté de Dieu de l’état de souillure où est l’âme du pécheur ; rien de tout cela n’empêchera la réconciliation de la créature avec son Créateur. La toute-puissante bonté de Dieu créera un cœur pur dans l’homme repentant, et « la grâce surabondera où le péché avait abondé ». La parole du pardon descendra du ciel, comme une pluie bienfaisante sur une terre stérile et desséchée, et cette terre donnera une abondante moisson. Que le pécheur néanmoins écoute la prophétie toute entière. L’homme est-il maître d’accepter ou de refuser cette parole qui vient d’en haut ? Peut-il la laisser tomber aujourd’hui, dans la pensée que peut-être il la recueillera plus tard, à la fin de sa vie ? Non ; Dieu nous dit par son Prophète : « Cherchez le Seigneur, pendant qu’on peut le trouver : invoquez-le pendant qu’il est proche. » Nous ne pouvons donc pas toujours à volonté trouver le Seigneur ; il n’est donc pas toujours aussi proche de nous. Prenons garde, il a ses moments ; l’heure des miséricordes a sonné ; celle des justices la suivra. « Encore quarante jours, et Ninive sera détruite », criait Jonas dans les rues de cette superbe cité. Ninive ne laissa point passer les quarante jours sans revenir au Seigneur, sans l’apaiser dans le jeûne, sous la cendre et le cilice : et Dieu pardonna à Ninive. Entrons dans les sentiments de cette ville coupable et repentante ; ne défions pas la justice divine en refusant la pénitence, ou en l’accomplissant d’une manière imparfaite. Le Carême que nous célébrons est peut-être le dernier que la bonté divine nous préparait ; s’il ne nous convertissait pas, qui sait si le Seigneur reviendrait ? Méditons ces paroles de l’Apôtre qui se rapportent à celles d’Isaïe : « La terre qui se pénètre de la pluie dont elle est arrosée, et qui produit la verdure qu’en attend le cultivateur, est une terre bénie de Dieu ; celle qui ne produit que des ronces et des épines est réprouvée ; la malédiction est près d’elle, « et sa fin sera d’être dévorée par le feu. »

Sur l’Evangile - Notre pieuse Quarantaine est à peine à son début, et avant qu’elle soit terminée nous aurons assisté au supplice du Juste. Voici déjà ses implacables ennemis qui se dressent devant lui. En vain, leurs yeux viennent d’être témoins de ses prodiges : l’envie et l’orgueil qui dessèchent leur cœur n’ont rien voulu comprendre. Ces infidèles gardiens de la maison de Dieu sont demeurés muets quand tout à l’heure ils ont vu Jésus faire acte d’autorité dans le temple ; un étonnement mêlé de terreur les a saisis. Ils n’ont pas même réclamé quand il a appelé le temple sa maison : tant ils éprouvaient l’ascendant de sa vertu, tant ils redoutaient son pouvoir surhumain. Maintenant, ils ont repris leur audace : la voix des enfants qui crient encore Hosannah frappe leur oreille, et ils s’indignent. Ils osent se plaindre de cet innocent hommage rendu au fils de David qui passe en faisant le bien. Ces docteurs de la Loi, aveuglés par la passion, ne savent même plus reconnaître les prophéties, ni en découvrir l’accomplissement. C’est l’application de l’oracle d’Isaïe que nous venons de lire. Pour n’avoir pas cherché le Seigneur quand il était près d’eux, ils ne peuvent plus le reconnaître, lors même qu’ils lui parlent. Les enfants le sentent et le bénissent ; les sages d’Israël ne voient en lui qu’un ennemi de Dieu, un blasphémateur. Nous, du moins, profitons de la visite de Jésus, afin qu’il ne nous quitte pas, comme il quitta ces faux sages. Il se relira d’auprès d’eux, et, laissant la ville, il retourna à Béthanie qui était proche de Jérusalem. C’est là qu’habitait Lazare, avec ses deux sœurs Marthe et Marie-Madeleine ; là aussi qu’était retirée Marie, Mère de Jésus, dans l’attente du terrible événement qui bientôt devait s’accomplir. Saint Jérôme remarque que le mot Béthanie signifie Maison d’obéissance : ce qui nous apprend que le Sauveur s’éloigne des cœurs rebelles à sa grâce, et qu’il aime à se reposer dans les cœurs obéissants. Acceptons la leçon tout entière, et dans ces jours de salut, montrons, par notre obéissance à l’Église et par notre soumission au guide de notre conscience, que nous avons enfin reconnu qu’il n’y a pour nous de salut que dans l’humiliation de l’orgueil et dans la simplicité du cœur.

L’Église gothique d’Espagne, dans son Missel Mozarabe, nous présente ce cantique de pénitence, dont le lecteur chrétien sentira toute la beauté :

Preces (Dominica II in Quadragesima)

Seigneur plein de miséricorde, ayez pitié de votre peuple et pardonnez-lui ; R/. Car nous avons péché contre vous. V/. Prosternés, nous versons toutes nos larmes ; nous manifestons les péchés secrets que nous avons commis ; nous implorons votre pardon, ô Dieu ! R/. Car nous avons péché contre vous. V/. Acceptez la prière des prêtres ; accordez abondamment tout ce qu’ils demandent ; ayez pitié de votre peuple, Seigneur ! R/. Car. V/. Vous avez appesanti votre colère sur nous ; nos cruels péchés nous ont accablés ; nous sommes tombés en défaillance, privés d’espoir ; R/. Car. V/. Nous avons été livrés à des malheurs que nous ne connaissions pas, tous les maux ont fondu sur nous ; nous vous avons invoqué, et nous n’avons pas reçu de réponse. R/. Car. V/. A cette heure nous crions tous, nous vous cherchons tous ; nous vous poursuivons avec les larmes de la pénitence, nous avons provoqué la colère de tout le monde ; R/. Car. V/. Jésus-Christ, nous vous implorons par nos prières et nos gémissements ; prosternés, nous vous supplions ; par votre pouvoir, relevez enfin ces misérables ; R/. Car. V/. Recevez la confession de votre peuple, nous la répandons devant vous avec des cris ; nous déplorons du fond du cœur nos iniquités ; R/. Car. V/. Nous demandons la paix ; accordez-nous la paix ; écartez la guerre, délivrez-nous tous : nous vous le demandons d’une humble prière, Seigneur ! R/. Car. V/. Dieu très clément, inclinez votre oreille ; effacez la tache de nos péchés ; dans votre bonté, sauvez-nous du péril ! R/. Car. »