1er dimanche de carême

 

Textes liturgiques

Oraison - O Dieu, qui purifiez chaque année votre Eglise par l’observation du Carême, faites que votre famille poursuive par ses bonnes œuvres le bien qu’elle s’efforce d’obtenir au moyen de l’abstinence.

Epitre de S. Paul Apôtre aux Corinthiens (II Cor VI, 1-10) - Mes Frères : nous vous exhortons à ne pas recevoir la grâce de Dieu en vain. Car il dit : « Au temps favorable, je t’ai exaucé, au jour du salut je t’ai porté secours. » Voici maintenant le temps favorable, voici le jour du salut. Nous ne donnons aucun sujet de scandale en quoi que ce soit, afin que notre ministère ne soit pas un objet de blâme. Mais nous nous rendons recommandables de toutes choses, comme des ministres de Dieu, par une grande constance, dans les tribulations, dans les nécessités, dans les détresses, sous les coups, dans les prisons, au travers des émeutes, dans les travaux, les veilles, les jeûnes ; par la pureté, par la science, par la longanimité, par la bonté, par l’Esprit-Saint, par une charité sincère, par la parole de vérité, par la puissance de Dieu, par les armes offensives et défensives de la justice ; parmi l’honneur et l’ignominie, parmi la mauvaise et la bonne réputation ; traités d’imposteurs, et pourtant véridiques ; d’inconnus, et pourtant bien connus ; regardés comme mourants, et voici que nous vivons ; comme châtiés, et nous ne sommes pas mis à mort ; comme attristés, nous qui sommes toujours joyeux ; comme pauvres, nous qui en enrichissons un grand nombre ; comme n’ayant rien, nous qui possédons tout.

Saint Evangile selon Saint Matthieu (IV, 1-11) - En ce temps-là : Jésus fut conduit par l’Esprit dans le désert pour être tenté par le diable. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Et le tentateur, s’approchant, lui dit : « Si vous êtes fils de Dieu, dites que ces pierres deviennent des pains. » Il lui répondit : « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Alors le diable l’emmena dans la ville sainte, et, l’ayant posé sur le pinacle du temple, il lui dit : « Si vous êtes fils de Dieu, jetez-vous en bas ; car il est écrit : Il donnera pour vous des ordres à ses anges, et ils vous prendront sur leurs mains, de peur que votre pied ne heurte contre une pierre. » Jésus lui dit : « Il est écrit aussi : Tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu. » Le diable, de nouveau, l’emmena sur une montagne très élevée, et lui montrant tous les royaumes du monde, avec leur gloire, il lui dit : « Je vous donnerai tout cela, si, tombant à mes pieds, vous vous prosternez devant moi ». Alors Jésus lui dit : « Retire-toi, Satan ; car il est écrit : Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu ne serviras que lui seul. » Alors le diable le laissa, et voilà que des anges s’approchèrent pour le servir

Leçon de saint Grégoire le Grand - Plus loin il est dit : « Le diable l’emmène dans la Ville Sainte » ; et encore, « Il l’emmène sur une montagne très haute. » Ceci porte habituellement certains à se demander par quel esprit Jésus fut conduit au désert. Mais nous devons croire comme assuré, et hors de question, qu’il fut conduit au désert par le Saint-Esprit. Ainsi son Esprit l’a conduit là où l’esprit malin le trouvera pour le mettre à l’épreuve. Mais, quand il est dit que l’Homme-Dieu fut emmené par le diable sur une haute montagne ou dans la Ville Sainte, voilà que l’âme se refuse à le croire ; les oreilles humaines ont horreur de l’entendre. Or, si nous réfléchissons à d’autres faits le concernant, nous verrons que ceux-ci ne sont pas incroyables.

Il n’y a pas de doute. Le diable est la tête de tous les méchants. Et tous les méchants sont les membres de cette tête. Ou bien Pilate, ne fut-il pas membre du diable ? Ou bien ne furent-ils pas membres du diable les Juifs qui ont fait condamner le Christ, et les soldats qui l’ont crucifié ? Alors, pourquoi s’étonner s’il se laisse emmener sur la montagne par celui dont les membres ont pu le crucifier ? Il n’est donc pas indigne de notre Rédempteur d’avoir voulu être tenté, lui qui était venu se faire tuer. Il était même juste qu’ainsi, par ses tentations, il surmontât nos tentations, tout comme il était venu par sa mort vaincre notre mort.

Cependant il nous faut savoir que la tentation comporte trois moments : la suggestion, la complaisance, et le consentement. Nous, quand nous sommes tentés nous glissons le plus souvent dans la complaisance, ou même dans le consentement, parce que, engendrés du péché charnel, nous portons aussi en nous-mêmes la source de la lutte subie. Mais Dieu, incarné dans un sein virginal était venu sans aucun péché dans le monde ; il n’admettait en lui aucune opposition. Il a donc pu être tenté par suggestion. Mais la complaisance du péché n’a pas mordu son âme. Ainsi donc, toute cette tentation diabolique fut au-dehors, nullement au-dedans.

Dom Guéranger, L’année liturgique - (pour le 1er dimanche de carême)

Ce dimanche, le premier de ceux qui se rencontrent dans la sainte Quarantaine, est aussi l’un des plus solennels de l’année. Son privilège, qu’il partage avec le Dimanche de la Passion et celui des Rameaux, est de ne céder à aucune fête, pas même à celle du Patron, du Saint titulaire de l’Église, ou de la Dédicace. Sur les anciens Calendriers, il est appelé Invocabit, à cause du premier mot de l’Introït de la Messe. Au moyen âge on le nommait le Dimanche des brandons, par suite d’un usage dont le motif ne semble pas avoir été toujours ni partout le même ; en certains lieux, les jeunes gens qui s’étaient trop laissé aller aux dissipations du carnaval devaient se présenter ce jour-là à l’église, une torche à la main, pour faire satisfaction publique de leurs excès.

C’est aujourd’hui que le Carême apparaît dans toute sa solennité. On sait que les quatre jours qui précèdent ont été ajoutés assez tardivement, pour former le nombre de quarante jours de jeûne, et que, le Mercredi des Cendres, les fidèles n’ont pas l’obligation d’entendre la Messe. La sainte Église, voyant ses enfants rassemblés, leur adresse la parole, à l’Office des Matines, en se servant de l’éloquent et majestueux langage de saint Léon le Grand :

« Très chers fils, leur dit-elle, ayant à vous annoncer le jeûne sacré et solennel du Carême, puis-je mieux commencer mon discours qu’en empruntant les paroles de l’Apôtre en qui Jésus-Christ parlait, et en répétant ce qu’on vient de vous lire : Voici maintenant le temps favorable ; voici maintenant les jours du salut ? Car encore qu’il n’y ait point de temps dans l’année qui ne soient signalés par les bienfaits de Dieu, et que, par sa grâce, nous ayons toujours accès auprès de sa miséricorde ; néanmoins nous devons en ce saint temps travailler avec plus de zèle à notre avancement spirituel et nous animer d’une nouvelle confiance. En effet, le Carême, nous ramenant le jour sacré dans lequel nous fûmes rachetés, nous invite à pratiquer tous les devoirs de la piété, afin de nous disposer, par la purification de nos corps et de nos âmes, à célébrer les mystères sublimes de la Passion du Seigneur.

« Il est vrai qu’un tel mystère mériterait de notre part un respect et une dévotion sans bornes, et que nous devrions toujours être devant Dieu tels que nous voulons être dans la fête de Pâques ; mais comme cette constance n’est pas le fait du grand nombre ; que la faiblesse de la chair nous oblige à relâcher l’austérité du jeûne. et que les diverses occupations de cette vie divisent et partagent nos sollicitudes : il arrive que les cœurs religieux sont sujets à contracter quelque peu de la poussière de ce monde. C’est donc avec une grande utilité pour nous qu’a été établie cette institution divine qui nous donne quarante jours pour recouvrer la pureté de nos âmes, en rachetant par la sainteté de nos œuvres et par le mérite de nos jeûnes les fautes des autres temps de l’année.

« A notre entrée, mes très chers fils, en ces jours mystérieux qui ont été saintement institués pour la purification de nos âmes et de nos corps, ayons soin d’obéir au commandement de l’Apôtre, en nous affranchissant de tout ce qui peut souiller la chair et l’esprit, afin que le jeûne réprimant cette lutte qui existe entre les deux parties de nous-mêmes, l’âme recouvre la dignité de son empire, étant elle-même soumise à Dieu et se laissant gouverner par lui. Ne donnons à personne l’occasion de se plaindre de nous ; ne nous exposons point au juste blâme de ceux qui veulent trouver à redire. Car les infidèles auraient sujet de nous condamner, et nous armerions nous-mêmes, par notre faute, leurs langues impies contre la religion, si la pureté de notre vie ne répondait pas à la sainteté du jeûne que nous avons embrassé. Il ne faut donc pas s’imaginer que toute la perfection de notre jeûne consiste dans la seule abstinence des mets ; car ce serait en vain que l’on retrancherait au corps une partie de sa nourriture, si en même temps on n’éloignait pas son âme de l’iniquité. »

Chacun des dimanches de Carême offre pour objet principal une lecture des saints Évangiles destinée à initier les fidèles aux sentiments que l’Église veut leur inspirer dans la journée. Aujourd’hui, elle nous donne à méditer la tentation de Jésus-Christ au désert. Rien de plus propre à nous éclairer et à nous fortifier que l’important récit qui nous est mis sous les yeux.

Nous confessons que nous sommes pécheurs, nous sommes en voie d’expier les péchés que nous avons commis ; mais comment sommes-nous tombés dans le mal ? Le démon nous a tentés ; nous n’avons pas repoussé la tentation. Bientôt nous avons cédé à la suggestion de notre adversaire, et le mal a été commis. Telle est notre histoire dans le passé, et telle elle serait dans l’avenir, si nous ne profitions pas de la leçon que nous donne aujourd’hui le Rédempteur.

Ce n’est pas sans raison que l’Apôtre, nous exposant l’ineffable miséricorde de ce divin consolateur des hommes, qui a daigné s’assimiler en toutes choses à ses frères, insiste sur les tentations qu’il a daigné souffrir. Cette marque d’un dévouement sans bornes ne nous a pas manqué ; et nous contemplons aujourd’hui l’adorable patience du Saint des Saints, qui ne répugne pas à laisser approcher de lui ce hideux ennemi de tout bien, afin de nous apprendre comment il en faut triompher.

Satan a vu avec inquiétude la sainteté incomparable qui brille en Jésus. Les merveilles qui accompagnèrent sa naissance, ces bergers convoqués par des Anges à la crèche, ces mages venus de l’Orient sous la conduite d’une étoile ; cette protection qui a soustrait l’enfant à la fureur d’Hérode ; le témoignage qu’a rendu Jean-Baptiste au nouveau prophète : tout cet ensemble de faits qui contrastent si étrangement avec l’humilité et l’obscurité qui ont semblé couvrir d’une apparence vulgaire les trente premières années du Nazaréen, excite les craintes du serpent infernal. L’ineffable mystère de l’incarnation s’est accompli loin de ses regards sacrilèges ; il ignore que Marie toujours vierge est celle que la prophétie d’Isaïe annonçait comme devant enfanter l’Emmanuel ; mais il sait que les temps sont venus, que la dernière semaine de Daniel a ouvert son cours, que le monde païen lui-même attend de la Judée un libérateur. Dans son anxiété, il ose aborder Jésus, espérant tirer de sa bouche quelque parole dont il pourra conclure qu’il est ou qu’il n’est pas le Fils de Dieu, ou du moins l’induire à quelque faiblesse qui fera voir que l’objet de tant de terreurs pour lui n’est qu’un homme mortel et pécheur.

L’ennemi de Dieu et des hommes devait être déçu dans son attente. Il approche du Rédempteur ; mais tous ses efforts ne tournent qu’à sa confusion. Avec la simplicité et la majesté du juste, Jésus repousse toutes les attaques de Satan ; mais il ne révèle pas sa céleste origine. L’ange pervers se retire sans avoir pu reconnaître autre chose en Jésus qu’un prophète fidèle au Seigneur. Bientôt, lorsqu’il verra les mépris, les calomnies, les persécutions s’accumuler sur la tête du Fils de l’homme, quand ses efforts pour le perdre sembleront réussir si aisément, il s’aveuglera de plus en plus dans son orgueil ; et ce n’est qu’au moment où Jésus, rassasié d’opprobres et de souffrances, expirera sur la Croix, qu’il sentira enfin que sa victime n’est pas un homme, mais un Dieu, et que toutes les fureurs qu’il a conjurées contre le Juste n’ont servi qu’à manifester le dernier effort de la miséricorde qui sauve le genre humain, et de la justice qui brise à jamais la puissance de l’enfer.

Tel est le plan de la Providence divine, en permettant que l’esprit du mal ose souiller de sa présence la retraite de l’Homme-Dieu, lui adresser la parole et porter sur lui ses mains impies ; mais étudions les circonstances de cette triple tentation que Jésus ne subit que pour nous instruire et nous encourager.

Nous avons trois sortes d’ennemis à combattre, et notre âme est vulnérable par trois côtés ; car, comme parle le bien-aimé Disciple : « Tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie. » Par la concupiscence de la chair, il faut entendre l’amour des sens qui convoite tout ce qui flatte la chair, et entraîne l’âme, s’il n’est pas contenu, dans les voluptés illicites. La concupiscence des yeux signifie l’amour des biens de ce monde, des richesses, de la fortune, qui brillent à nos regards avant de séduire notre cœur. Enfin l’orgueil de la vie est cette confiance en nous-mêmes qui nous rend vains et présomptueux, et nous fait oublier que nous tenons de Dieu la vie et les dons qu’il a daigné répandre sur nous.

Il n’est pas un seul de nos péchés qui ne provienne de l’une de ces trois sources, pas une de nos tentations qui n’ait pour but de nous faire accepter la concupiscence de la chair, ou la concupiscence des yeux, ou l’orgueil de la vie. Le Sauveur, notre modèle en toutes choses, devait donc s’assujettir à ces trois épreuves.

Satan le tente d’abord dans la chair, en lui suggérant la pensée d’employer son pouvoir surnaturel à soulager sans délai la faim qui le presse. Dites que ces pierres deviennent des pains : tel est le conseil que le démon adresse au Fils de Dieu. Il veut voir si l’empressement de Jésus à donner satisfaction à son corps ne dénotera pas un homme faible et sujet à la convoitise. Lorsqu’il s’adresse à nous, tristes héritiers de la concupiscence d’Adam, ses suggestions vont plus avant : il aspire à souiller l’âme par le corps ; mais la souveraine sainteté du Verbe incarné ne pouvait permettre que Satan osât faire un tel essai du pouvoir qu’il a reçu de tenter l’homme dans ses sens. C’est donc une leçon de tempérance que nous donne le Fils de Dieu ; mais nous savons que pour nous la tempérance est mère de la pureté, et que l’intempérance soulève la révolte des sens.

La seconde tentation est celle de l’orgueil. Jetez-vous en bas ; les Anges vous recevront dans leurs mains. L’ennemi veut voir si les faveurs du ciel ont produit dans l’âme de Jésus cet élèvement, cette ingrate confiance qui fait que la créature s’attribue à elle-même les dons de Dieu, et oublie son bienfaiteur pour régner en sa place. Il est déçu encore, et l’humilité du Rédempteur épouvante l’orgueil de l’ange rebelle.

Il fait alors un dernier effort. Peut-être, pense-t-il, l’ambition de la richesse séduira celui qui s’est montré si tempérant et si humble. Voici tous les royaumes du monde dans leur éclat et leur gloire ; je puis vous les livrer ; seulement, adorez-moi. Jésus repousse cette offre méprisable avec dédain, et chasse de sa présence le séducteur maudit, le prince du monde, nous apprenant par cet exemple à dédaigner les richesses de la terre toutes les fois que, pour les conserver ou les acquérir, il faudrait violer la loi de Dieu et rendre hommage à Satan. Or, comment le Rédempteur, notre divin chef, repousse-t-il la tentation ? Écoute-t-il les discours de son ennemi ? Lui laisse-t-il le temps de faire briller à ses yeux tous ses prestiges ? C’est ainsi que trop souvent nous avons fait nous-mêmes, et nous avons été vaincus. Jésus se contente d’opposer à l’ennemi le bouclier de l’inflexible loi de Dieu. Il est écrit, lui dit-il : l’homme ne vit pas seulement de pain. Il est écrit : Vous ne tenterez point le Seigneur votre Dieu. Il est écrit : Vous adorerez le Seigneur votre Dieu, et vous ne servirez que lui seul. Suivons désormais cette grande leçon. Ève se perdit, et avec elle le genre humain, pour avoir lié entretien avec le serpent. Qui ménage la tentation y succombera. Dans ces saints jours, le cœur est plus attentif, les occasions sont éloignées, les habitudes sont interrompues ; purifiées par le jeûne, la prière et l’aumône, nos âmes ressusciteront avec Jésus-Christ ; mais conserveront-elles cette nouvelle vie ? Tout dépendra de notre attitude dans les tentations. Dès le début de la sainte Quarantaine, l’Église, en mettant sous nos yeux le récit du saint Évangile, veut joindre l’exemple au précepte. Si nous sommes attentifs et fidèles, la leçon fructifiera en nous ; et lorsque nous aurons atteint la fête de Pâques, la vigilance, la défiance de nous-mêmes, la prière, avec le secours divin qui ne manque jamais, assureront notre persévérance.

L’Église grecque célèbre aujourd’hui une de ses plus grandes solennités. Cette fête est appelée l’Orthodoxie, et a pour but d’honorer le rétablissement des saintes Images à Constantinople et dans l’empire d’Orient, en 842, lorsque l’impératrice Théodora, avec le secours du saint patriarche Méthodius, mit fin à l’affreuse persécution des iconoclastes, et fit replacer dans toutes les églises les effigies sacrées que la fureur des hérétiques en avait fait disparaître.

A la messe

La Station, à Rome, est dans la Basilique patriarcale de Saint-Jean-de-Latran. Il était juste qu’un Dimanche aussi solennel fût célébré dans l’Église Mère et Maîtresse de toutes les Églises, non seulement de la ville sainte, mais du monde entier. C’est là que les Pénitents publics étaient réconciliés le Jeudi saint ; là aussi, dans le Baptistère de Constantin, que les Catéchumènes recevaient le saint Baptême, dans la nuit de Pâques ; nulle autre Basilique ne convenait autant pour la réunion des fidèles, en ce jour où le jeûne quadragésimal fut promulgué tant de fois par la voix des Léon et des Grégoire.

L’Introït est tiré du Psaume 90, qui forme à lui seul la matière de tous les chants de cette Messe. Nous avons parlé déjà de l’appropriation que l’Église a faite de ce beau cantique, à la situation du chrétien durant le Carême. Tout nous y entretient de l’espérance que l’âme chrétienne doit concevoir dans le secours divin, en ces jours où elle a résolu de se livrer tout entière à la prière et à la lutte contre les ennemis de Dieu et d’elle-même. Le Seigneur lui promet, dans l’Introït, que sa confiance ne sera pas vaine.

Dans la Collecte, l’Église recommande à Dieu tous ses enfants, et demande que leur jeûne non seulement les purifie, mais obtienne d’en haut ce secours puissant qui les rendra féconds en bonnes œuvres pour leur salut.

Sur l’Epître - Ce passage de l’Apôtre nous montre la vie chrétienne sous un aspect bien différent de celui sous lequel l’envisage ordinairement notre mollesse.

Pour en éviter la portée, nous serions aisément disposés à penser que de tels conseils convenaient au premier âge de l’Église, où les fidèles, sans cesse exposés à la persécution et à la mort, avaient besoin d’un degré particulier de renoncement et d’héroïsme. Cependant ce serait une grande illusion de croire que tous les combats du chrétien sont finis. Reste toujours la lutte avec les démons, avec le monde, avec la chair et le sang ; et c’est pour cela que l’Église nous envoie au désert avec Jésus-Christ pour y apprendre à combattre. C’est là que nous comprendrons que la vie de l’homme sur la terre est une milice, et que si nous ne luttons pas courageusement et toujours, cette vie que nous voudrions passer dans le repos finira par notre défaite. C’est pour nous faire éviter ce malheur que l’Église nous dit aujourd’hui, par l’organe de l’Apôtre : « Voici maintenant le temps favorable ; voici maintenant les jours du salut. » Agissons donc en toutes choses « comme des serviteurs de Dieu » ; et tenons ferme jusqu’à la fin de cette sainte carrière. Dieu veille sur nous, comme il a veillé sur son Fils au désert.

Le Graduel nous assure de la protection des saints Anges, dont la sollicitude ne nous abandonne ni le jour ni la nuit. Durant le Carême, ils redoublent d’efforts contre nos ennemis, et se réjouissent de voir le pécheur accepter enfin la pénitence qui doit le sauver.

Le Trait se compose du Psaume 90, auquel sont empruntés le Graduel, l’Introït et les autres cantiques de cette Messe. Que notre cœur se rassure donc : tout nous parle de la bonté de Dieu et de sa vigilance paternelle sur des enfants ingrats dont il veut faire ses amis fidèles et les cohéritiers de son royaume.

Sur l’Evangile - Admirons l’ineffable bonté du Fils de Dieu qui, non content d’expier par la croix tous nos péchés, a daigné, pour nous encourager à la pénitence, s’imposer un jeûne de quarante jours et de quarante nuits. Il n’a pas voulu que la justice de son Père pût exiger de nous un sacrifice qu’il n’eût offert lui-même le premier en sa personne, et toujours avec des circonstances mille fois plus rigoureuses que celles qui peuvent se rencontrer en nous. Que sont nos œuvres de pénitence, si souvent encore disputées à la justice de Dieu par notre lâcheté, si nous les comparons à la rigueur de ce jeûne du Sauveur sur la montagne ? Chercherons-nous encore à nous dispenser de ces légères satisfactions dont le Seigneur daigne se contenter, et qui sont si loin de ce qu’ont mérité nos fautes ? Au lieu de plaindre une légère incommodité, une fatigue de quelques jours, compatissons plutôt à ce tourment de la faim qu’éprouve notre Rédempteur innocent, durant ces longs jours et ces longues nuits du désert.

La prière, le dévouement pour nous, la pensée des justices de son Père le soutiennent dans ses défaillances ; mais, à l’expiration de la quarantaine, la nature humaine est aux abois. C’est alors que la tentation vient l’assaillir ; mais il en triomphe avec un calme et une fermeté qui doivent nous servir d’exemple. Quelle audace chez Satan d’oser approcher du Juste par excellence ! Mais aussi quelle patience en Jésus ! Il daigne souffrir que le monstre de l’abîme mette la main sur lui, qu’il le transporte par les airs d’un lieu à un autre. L’âme chrétienne est souvent exposée à de cruelles insultes de la part de son ennemi ; quelquefois même, elle serait tentée de se plaindre à Dieu de l’humiliation qu’elle souffre. Qu’elle songe alors à Jésus, le Saint des Saints, donné, pour ainsi dire, en proie à l’esprit du mal. Il n’en est pas moins le Fils de Dieu, le vainqueur de l’enfer ; et Satan n’aura recueilli qu’une honteuse défaite. De même, l’âme chrétienne, sous l’effort de la tentation, si elle résiste de toute son énergie, n’en reste pas moins l’objet des plus tendres complaisances de Dieu, à la honte et au châtiment éternel de Satan.

Unissons-nous aux Anges fidèles qui, après le départ du prince des ténèbres, s’empressent de réparer les forces épuisées du Rédempteur, en lui présentant de la nourriture. Comme ils compatissent à ses divines fatigues ! Comme ils réparent, dans leurs adorations, l’horrible outrage dont Satan vient de se rendre coupable envers le souverain Maître de toutes choses ! Comme ils admirent cette charité d’un Dieu qui, dans son amour pour les hommes, semble avoir oublié jusqu’à sa dignité, pour ne plus songer qu’aux malheurs et aux besoins des enfants d’Adam !

Dans l’Offertoire, l’Église, empruntant toujours les paroles de David, nous montre le Seigneur couvrant d’une protection spéciale le troupeau fidèle, et l’armant contre toute attaque de ce bouclier invincible que nous offre la foi.

Le Carême ne consiste pas seulement dans le jeune ; il ne sera efficace pour la réforme de notre âme que si nous y joignons la fuite des occasions nuisibles, qui détruiraient en un instant l’œuvre de la grâce divine. C’est pourquoi l’Église demande pour nous, dans la Secrète, un secours particulier à cet effet.

Afin d’inculquer plus fortement encore la confiance dans nos âmes, la sainte Église répète dans l’Antienne de la Communion les paroles d’espérance qu’elle nous a proposées dans l’Offertoire. Le Sacrifice qui vient d’être offert nous est un nouveau gage de la bonté divine.

Dans la Postcommunion, l’Église nous apprend à regarder la sainte Eucharistie comme le grand moyen d’accroître nos forces, en purifiant nos souillures. Que le pécheur se hâte donc de faire sa paix avec Dieu, et qu’il n’attende pas le festin de la Pâque pour faire l’essai de l’aliment divin qui nous sauve de la divine justice, en nous incorporant l’auteur même du salut.

Nous finirons la journée par ces deux belles Préfaces que nous empruntons, la première au Missel Mozarabe, et la seconde au Missel Ambrosien. Elles résument avec autant d’onction que d’éloquence les vérités que l’Église nous propose aujourd’hui.

Prière du missel mozarabe (Illatio. Feria VI Hebdom. IV Quadragesimœ) - Il est juste et équitable que nous vous rendions grâces. Dieu tout-puissant et éternel, par Jésus-Christ votre Fils notre Seigneur, qui par le jeûne a obtenu sur le diable un glorieux triomphe, et a enseigné à ses soldats, par son exemple, l’art de combattre. Étant Dieu et le Seigneur de tous, il jeûna quarante jours et quarante nuits, afin de montrer que, vrai Dieu, il avait pris la véritable nature de l’homme, et de réparer par son abstinence ce qu’Adam avait perdu par sa gourmandise. Le diable vient donc attaquer le fils de la Vierge ; il ignore qu’il a affaire au Fils unique de Dieu. Dans sa ruse consommée, il espère séduire le second Adam par les artifices qui lui ont servi à renverser le premier, mais il est impuissant ; pas une de ses séductions ne réussit à tromper un si redoutable adversaire. Jésus jeûne quarante jours et quarante nuits ; et ensuite il éprouve la faim, lui qui, durant quarante années, nourrit d’un pain céleste une multitude innombrable. C’est lui qui, fort de sa propre puissance, a combattu avec le diable, prince des ténèbres, et qui, l’ayant terrassé, a remporté avec honneur le trophée de la victoire jusque dans les cieux.

Prière du missel ambrosien (Præfatio. Dominica I in Quadrag.) - Il est juste et digne, équitable et salutaire, de vous rendre grâces en tout temps et en tous lieux, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, par Jésus-Christ notre Seigneur, qui dans ce saint temps du jeûne nourrit la foi des fidèles, élève leur espérance et fortifie leur charité. C’est lui qui est le pain vivant et véritable, qui est l’aliment de l’éternité et la nourriture de la vertu. Votre Verbe, Seigneur, par qui tout a été fait, est non seulement l’aliment des âmes humaines, mais le Pain des Anges mêmes. Fortifié de ce Pain, Moïse votre serviteur, lorsqu’il reçut la loi, jeûna quarante jours et quarante nuits : il s’abstint de la nourriture charnelle, afin d’être plus en état de savourer votre douceur. Il ne sentait pas la faim dans son corps, et il oubliait la nourriture terrestre, parce que la vue de votre gloire l’illuminait ; et que, par le souffle de l’Esprit, la parole de Dieu le nourrissait. Ne cessez donc pas, Seigneur, de nous donner à nous aussi ce Pain pour lequel vous nous exhortez d’entretenir en nous une faim continuelle.

Catéchisme de St Pie X

§ 7. La sixième demande du Pater.

312. Quel est l’objet de la sixième demande : « et ne nous laissez pas succomber à la tentation » ?

Par la sixième demande : « et ne nous laissez pas succomber à la tentation », nous demandons à Dieu de nous délivrer des tentations, soit en ne permettant pas que nous soyons tentés, soit en nous donnant la grâce de n’être pas vaincus.

313. Qu’est-ce que les tentations ?

La tentation est une excitation au péché qui

nous vient soit du démon, soit des méchants, soit de nos passions.

314. Est-ce un péché d’avoir des tentations ?

Non, ce n’est pas un péché d’avoir des tentations, mais c’est un péché d’y consentir ou de s’exposer volontairement au danger d’y consentir.

315. Pourquoi Dieu permet-il que nous soyons tentés ?

Dieu permet que nous soyons tentés pour éprouver notre fidélité, pour faire grandir nos vertus et pour accroître nos mérites.

316. Que devons-nous faire pour éviter les tentations ?

Pour éviter les tentations nous devons fuir les occasions dangereuses, garder nos sens, recevoir souvent les sacrements et recourir à la prière.