Vendredi de la quatrième semaine de carême
Epitre (III R XIV, 17-24) ;
En ces jours-là, le fils d’une mère de famille devint malade
et sa maladie fut si violente qu’il ne resta plus en lui de respiration. Cette
femme dit donc à Élie : Qu’y a-t-il de commun entre vous et moi, homme de
Dieu ? Êtes-vous venu chez moi pour renouveler la mémoire de mes péchés,
et pour faire mourir mon fils ? Élie lui dit : Donnez-moi votre fils.
Et l’ayant pris d’entre ses bras, il le porta dans la chambre où il demeurait,
et il le mit sur son lit. Il cria ensuite au Seigneur ; et il lui dit :
Seigneur mon Dieu, avez-vous aussi affligé cette veuve, qui a soin de me
nourrir comme elle peut, jusqu’à faire mourir son fils ? Après cela il s’étendit
sur l’enfant par trois fois, en se mesurant à son petit corps, et il cria au
Seigneur et lui dit : Seigneur mon Dieu, faites je vous prie, que l’âme de
cet enfant rentre dans son corps. Et le Seigneur exauça la voix d’Elie ; l’âme
de l’enfant rentra en lui, et il recouvra la vie. Et Elie prit l’enfant, le
descendit de sa chambre au bas de la maison, le mit entre les mains de sa mère
et lui dit : Voici que votre fils est vivant. La femme répondit à Elie :
Je reconnais maintenant à cette action que vous êtes un homme de Dieu, et que
la parole du Seigneur est véritable dans votre bouche.
Saint Evangile selon Saint Jean (Jn XI, 1-45) ;
En ce temps-là : Il y avait un malade, Lazare, de
Béthanie, village de Marie et de Marthe, sa sœur. Marie est celle qui oignit de
parfum le Seigneur, et lui essuya les pieds avec ses cheveux ; et c’était
son frère Lazare qui était malade. Les sœurs envoyèrent dire à Jésus :
« Seigneur, celui que vous aimez est malade. » Ce qu’ayant entendu,
Jésus dit : « Cette maladie ne va pas à la mort, mais elle est pour
la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle. » Or,
Jésus aimait Marthe, et sa sœur Marie, et Lazare. Ayant donc appris qu’il était
malade, il resta deux jours encore au lieu où il était. Il dit ensuite à ses
disciples : « Retournons en Judée. » Les disciples lui dirent :
« Maître, tout à l’heure les Juifs voulaient vous lapider, et vous
retournez là ? » Jésus répondit : « N’y a-t-il pas douze
heures dans le jour ? Si quelqu’un marche pendant le jour, il ne se heurte
point, parce qu’il voit la lumière du monde. Mais s’il marche pendant la nuit,
il se heurte parce qu’il manque de lumière. » Il parla ainsi, et ajouta :
« Notre ami Lazare dort, mais je me mets en route pour le réveiller. »
Ses disciples lui dirent : « S’il dort, il guérira. » Mais Jésus
avait parlé de sa mort, et ils pensaient que c’était du repos du sommeil. Alors
Jésus leur dit clairement : « Lazare est mort ; et je me réjouis
à cause de vous de n’avoir pas été là, afin que vous croyiez ; mais allons
vers lui. » Et Thomas, appelé Didyme, dit aux autres disciples :
« Allons-y, nous aussi, afin de mourir avec lui. » Jésus vint donc et
trouva Lazare depuis quatre jours dans le sépulcre. Or, Béthanie était près de
Jérusalem, à quinze stades environ. Beaucoup de Juifs étaient venus près de
Marthe et de Marie pour les consoler au sujet de leur frère. Dès que Marthe eut
appris que Jésus arrivait, elle alla au-devant de lui, tandis que Marie se
tenait assise à la maison. Marthe dit donc à Jésus : « Seigneur, si
vous aviez été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je
sais que tout ce que vous demanderez à Dieu, Dieu vous l’accordera. »
Jésus lui dit : « Votre frère ressuscitera. - Je sais, lui répondit
Marthe, qu’il ressuscitera lors de la résurrection, au dernier jour ; »
Jésus lui dit : « Je suis la résurrection et la vie ; celui qui
croit en moi, fût-il mort, vivra ; Et quiconque vit et croit en moi, ne
mourra point pour toujours. Le croyez-vous ? - Oui, Seigneur », lui
dit-elle « je crois que vous êtes le Christ, le Fils de Dieu, qui devait
venir en ce monde. » Lorsqu’elle eut ainsi parlé, elle s’en alla, et
appela en secret Marie, sa sœur, disant : « Le Maître est là, et il t’appelle. »
Dès que celle-ci l’eut entendu, elle se leva promptement et alla vers lui. Car
Jésus n’était pas encore entré dans le village ; il n’avait pas quitté le
lieu où Marthe l’avait rencontré. Les Juifs qui étaient avec Marie, et la
consolaient, l’ayant vue se lever en hâte et sortir, la suivirent en pensant :
« Elle va au sépulcre pour y pleurer. » Lorsque Marie fut arrivée au
lieu où était Jésus, le voyant, elle tomba à ses pieds, et lui dit :
« Seigneur, si vous aviez été ici, mon frère ne serait pas mort. »
Jésus la voyant pleurer, elle et les Juifs qui l’accompagnaient, frémit en son
esprit, et se laissa aller à l’émotion. Et il dit : « Où l’avez-vous
mis ? » « Seigneur, lui répondirent-ils, venez et voyez. »
Et Jésus pleura. Les Juifs dirent : « Voyez comme il l’aimait. »
Mais quelques-uns d’entre eux dirent : « Ne pouvait-il pas, lui qui a
ouvert les yeux d’un aveugle-né, faire aussi que cet homme ne mourût point ? »
Jésus donc, frémissant de nouveau en lui-même, se rendit au sépulcre : c’était
un caveau, et une pierre était posée dessus. « Otez la pierre », dit
Jésus. Marthe, la sœur de celui qui était mort, lui dit : « Seigneur,
il sent déjà, car il y a quatre jours qu’il est là. » Jésus lui dit :
« Ne vous ai-je pas dit que si vous croyez, vous verrez la gloire de Dieu ? »
Ils ôtèrent donc la pierre ; et Jésus leva les yeux en haut et dit :
« Père, je vous rends grâces de ce que vous m’avez exaucé. Pour moi je
savais que vous m’exaucez toujours ; mais j’ai dit cela à cause de la
foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est vous qui m’avez envoyé. »
Ayant parlé ainsi, il cria d’une voix forte : « Lazare, sors ! »
Et le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandelettes, et le visage
enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le
aller. » Beaucoup d’entre les Juifs qui étaient venus près de Marie et de Marthe,
et qui avaient vu ce qu’avait fait Jésus, crurent en lui.
Leçon de saint Augustin ;
Vous vous rappelez que dans la précédente leçon vous avez vu
que le Seigneur s’échappa des mains de ceux qui voulaient le lapider, et se
retira au-delà du Jourdain, où Jean baptisait. Le Seigneur se trouvant donc en
cet endroit, Lazare tomba malade à Béthanie, bourg situé près de Jérusalem. « Or,
Marie était celle qui oignit le Seigneur de parfum, et lui essuya les pieds
avec ses cheveux ; et Lazare, alors malade, était son frère. Ses sœurs
envoyèrent donc vers Jésus. » Nous comprenons déjà où elles envoyèrent, là
où Jésus se trouvait, car il était absent, il avait passé au-delà du Jourdain.
Elles envoyèrent vers le Seigneur, lui annonçant que leur frère était malade,
afin que s’il daignait consentir à cette démarche, il vînt le délivrer de sa
maladie. Mais le Christ différa de le guérir, afin de pouvoir le ressusciter.
En quels termes ses sœurs s’adressèrent-elles au Sauveur ?
« Seigneur, voilà que celui que vous aimez est malade » ; elles
ne lui dirent pas : Venez. Il suffisait d’apprendre cette nouvelle à Celui
qui les aimait. Elles n’osèrent pas lui dire : Venez et guérissez-le ;
elles n’osèrent pas lui dire : Commandez du lieu où vous êtes, et il sera
fait ici comme vous l’ordonnerez. Pourquoi ne lui faisaient-elles pas cette
prière, qui a valu des éloges à la foi du centurion ? Or il s’exprima
ainsi : « Je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit, mais
dites seulement une parole et mon serviteur sera guéri. » Les sœurs de
Lazare ne dirent rien de semblable, mais simplement : « Seigneur,
voilà que celui que vous aimez est malade. » Il suffit que vous le
sachiez, car ceux que vous aimez, vous ne les abandonnez pas.
Quelqu’un demandera : Comment Lazare pouvait-il être
une figure du pécheur, et être aimé ainsi par le Seigneur ? Que celui-là
écoute Jésus-Christ, disant : « Je ne suis pas venu appeler les
justes, mais les pécheurs. » Si Dieu n’aimait pas les pécheurs, il ne
serait pas descendu du ciel sur la terre. « Or Jésus, entendant cela, leur
dit : Cette maladie ne va pas à la mort, mais elle est pour la gloire de
Dieu, afin que le Fils de Dieu en soit glorifié. » Cette glorification du
Fils de Dieu n’a pas augmenté sa gloire, mais elle nous a été utile. Il dit
donc : « Cette maladie ne va pas à la mort », parce que la mort
même de Lazare n’allait point à la mort, mais bien plutôt au miracle qui devait
s’accomplir pour amener les hommes à croire en Jésus-Christ, et à éviter la
véritable mort. Considérez ici comment notre Seigneur donne une preuve
indirecte de sa divinité, contre ceux qui nient que le Fils soit Dieu lui-même.