Mercredi de la quatrième semaine de carême
Epitre (Is I, 16-19) ;
Voici ce que dit le Seigneur Dieu : Lavez-vous,
purifiez-vous, ôtez de devant mes yeux la malice de vos pensées, cessez de
faire le mal, apprenez à faire le bien, recherchez la justice, assistez l’opprimé,
faites droit à l’orphelin, défendez la veuve. Et venez et attaquez-moi, dit le
Seigneur ; et si vos péchés sont comme l’écarlate, Ils deviendront blancs
comme la neige et s’ils sont rouges comme le vermillon, ils seront blancs comme
la laine. Si vous voulez et si vous m’écoutez, vous mangerez les biens de la
terre, dit le Seigneur tout-puissant.
Saint Evangile selon Saint Jean (Jn IX, 1-38) ;
En ce temps-là, Jésus, en passant, vit un homme aveugle de
naissance. Et ses disciples lui demandèrent : Maître, qui a péché, cet
homme ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? Jésus répondit :
Ni lui n’a péché, ni ses parents ; mais c’est afin que les œuvres de Dieu
soient manifestées en lui. Il faut que j’accomplisse les œuvres de celui qui m’a
envoyé, pendant qu’il est jour ; la nuit vient, pendant laquelle personne
ne peut travailler. Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du
monde. Après avoir dit cela, il cracha à terre, et fit de la boue avec sa
salive ; puis il oignit de cette boue les yeux de l’aveugle. Et il lui dit :
Va, lave-toi dans la piscine de Siloé (nom qui signifie : Envoyé). Il y
alla donc, se lava, et revint voyant. De sorte que ses voisins, et ceux qui l’avaient
vu auparavant mendier, disaient : N’est-ce pas là celui qui était assis,
et qui mendiait ? Les uns disaient : C’est lui. Et d’autres :
Nullement, mais c’est quelqu’un qui lui ressemble. Mais lui, il disait : C’est
moi. Ils lui dirent donc : Comment tes yeux ont-ils été ouverts ? Il
répondit : Cet homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, et en a oint
mes yeux, puis il m’a dit : Va à la piscine de Siloé, et lave-toi. J’y
suis allé, et Je me suis lavé, et je vois. Ils lui dirent : Où est-il ?
Il répondit : Je ne sais pas. Ils amenèrent aux pharisiens celui qui avait
été aveugle. Or c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et
lui avait ouvert les yeux. Les pharisiens lui demandèrent donc aussi comment il
avait recouvré la vue. Et il leur dit : Il m’a mis de la boue sur les
yeux, et je me suis lavé, et je vois. Là-dessus, quelques-uns des pharisiens
disaient : Cet homme ne vient pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le
sabbat. Mais d’autres disaient : Comment un homme pécheur pourrait-il
faire de tels miracles ? Et il y avait division entre eux. Ils dirent donc
de nouveau à l’aveugle : Toi, que dis-tu de celui qui t’a ouvert les yeux ?
Il répondit : C’est un prophète. Mais les Juifs ne crurent point qu’il eût
été aveugle et qu’il eût recouvré la vue, jusqu’à ce qu’ils eussent fait venir
ses parents. Et ils les interrogèrent, en disant : Est-ce là votre fils
que vous dites être né aveugle ? Comment donc voit-il maintenant ?
Les parents répondirent, en disant : Nous savons que c’est notre fils, et
qu’il est né aveugle ; mais comment voit-il maintenant ? nous ne le
savons pas ; ou qui lui a ouvert les yeux ? nous l’ignorons.
Interrogez-le, il a l’âge ; qu’il parle pour lui-même. Ses parents dirent
cela, parce qu’ils craignaient les Juifs ; car les Juifs étaient déjà
convenus ensemble que, si quelqu’un reconnaissait Jésus pour le Christ, il
serait chassé de la synagogue. C’est pour cela que ses parents dirent : Il
a l’âge, interrogez-le lui-même. Ils appelèrent donc une seconde fois l’homme
qui avait été aveugle, et ils lui dirent : Rends gloire à Dieu ; nous
savons que cet homme est un pécheur. Il leur dit : Si c’est un pécheur, je
ne sais ; je sais une chose, c’est que j’étais aveugle, et que maintenant
je vois. Ils lui dirent donc : Que t’a-t-il fait ? Comment t’a-t-il
ouvert les yeux ? Il leur répondit : Je vous l’ai déjà dit, et vous l’avez
entendu ; pourquoi voulez-vous l’entendre de nouveau ? Est-ce que vous
aussi, vous voulez devenir ses disciples ? Alors ils l’accablèrent d’injures
et dirent : Toi sois son disciple ; nous, nous sommes disciples de
Moïse. Nous savons que Dieu a parlé à Moïse ; mais celui-ci, nous ne
savons d’où il est. Cet homme leur répondit, et dit : C’est ceci qui est
étonnant, que vous ne sachiez pas d’où il est, et qu’il m’ait ouvert les yeux.
Or nous savons que Dieu n’exauce pas les pécheurs ; mais si quelqu’un
honore Dieu et fait sa volonté, c’est celui-là qu’il exauce. Jamais on n’a entendu
dire que quelqu’un ait ouvert les yeux d’un aveugle-né. Si cet homme ne venait
pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. Ils lui répondirent : Tu es né
tout entier dans le péché, et tu veux nous enseigner ? Et ils le jetèrent
dehors. Jésus apprit qu’ils l’avaient jeté dehors ; et l’ayant rencontré,
il lui dit : Crois-tu au Fils de Dieu ? Il lui répondit, et dit :
Qui est-Il, Seigneur, afin que je croie en lui ? Et Jésus lui dit :
Tu l’as vu, et celui qui te parle, c’est lui. Il répondit ; Je crois, Seigneur.
(Ici on fléchit le genou) Et se
prosternant. Il l’adora.
Leçon de saint Augustin ;
Les faits surprenants et merveilleux de la vie de notre
Seigneur Jésus-Christ, sont à la fois des œuvres et des paroles, des œuvres,
parce que ces faits se sont réellement passés, des paroles, parce qu’ils sont
des signes. Si donc nous réfléchissons à la signification de ce miracle, nous
verrons que l’aveugle représente, le genre humain. Cette cécité a été chez le
premier homme le résultat du péché, et il nous a communiqué à tous, non
seulement le germe de la mort, mais encore celui de l’iniquité. Si la cécité
est l’infidélité, si l’illumination est la foi, quel est celui que le Christ a
trouvé fidèle au moment de sa venue sur la terre, puisque l’Apôtre, né de la
race des Prophètes, dit lui-même : « Nous étions autrefois par nature
enfants de colère, comme tous les autres. » Si nous étions enfants de
colère, nous étions aussi enfants de la vengeance, enfants du châtiment,
enfants de la géhenne. Comment l’étions-nous par nature, si ce n’est que, par
le péché du premier homme, le vice est passé pour nous comme en nature ?
Si le vice est devenu pour nous une seconde nature, tout homme naît aveugle,
quant à son âme.
Le Seigneur est venu : Qu’a-t-il fait ? Il a voulu
attirer notre attention sur un grand mystère. « Il cracha à terre et il
fit de la boue avec sa salive », parce que le Verbe s’est fait chair, « et
il oignit les yeux de l’aveugle. » Les yeux de cet homme étaient couverts
de cette boue, et il ne voyait pas encore. Le Sauveur l’envoya à la piscine qui
porte le nom de Siloé. L’Évangéliste a cru devoir nous faire remarquer le nom
de cette piscine et il nous dit « qu’on l’interprète par Envoyé. »
Vous savez déjà qui a été envoyé. S’il n’avait pas été envoyé, nul d’entre nous
n’eût été délivré du péché. L’aveugle lava donc ses yeux dans cette piscine
dont le nom signifie Envoyé : il fut baptisé dans le Christ. Si donc le
Sauveur l’a baptisé en quelque sorte lorsqu’il lui rendit la vue, on peut dire
qu’il l’avait fait catéchumène quand il oignit ses yeux
Ce que vous venez d’entendre est un grand mystère. Demande à
un homme : Es-tu chrétien ? Il te répond : Je ne le suis pas. Tu
lui demandes encore : Es-tu païen ou juif ? S’il te répond : Je
ne le suis pas ; tu continues de l’interroger : Es-tu catéchumène ou
fidèle ? S’il te répond : Catéchumène, il a été oint, mais non encore
lavé. Comment a-t-il été oint ? Interroge-le, et il te répondra.
Demande-lui en qui il croit ? Par cela même qu’il est catéchumène, il te
dira : Je crois au Christ. Je m’adresse maintenant aux fidèles et aux
catéchumènes. Qu’ai-je dit de la salive et de la boue ? Que le Verbe s’est
fait chair. C’est ce qui est enseigné aux catéchumènes ; mais il ne leur
suffit pas d’avoir été oints : qu’ils se hâtent vers le bain salutaire, s’ils
recherchent la lumière.