Samedi de la 2ème semaine de carême

 

Textes liturgiques

du Samedi de carême

Oraison - Nous vous en prions, Seigneur, donnez à nos jeûnes un effet salutaire, afin qu’ayant entrepris de châtier notre chair, cette mortification corporelle serve à développer la vigueur de nos âmes.

Epitre du livre de la Genèse (Gn XXVII, 6-40) - En ces jours-là, Rébecca dit à Jacob son fils : J’ai entendu votre père qui parlait à votre frère Ésaü, et qui lui disait : Apportez-moi quelque chose de votre chasse et préparez-moi de quoi manger, afin que je vous bénisse devant le Seigneur avant de mourir. Suivez donc maintenant, mon fils, le conseil que je vais vous donner. Allez-vous-en au troupeau, et apportez-moi deux des meilleurs chevreaux, afin que j’en prépare à votre père une sorte de mets que je sais qu’il aime ; et qu’après que vous le lui aurez présenté et qu’il en aura mangé, il vous bénisse avant de mourir. Jacob lui répondit : Vous savez que mon frère Ésaü a le corps velu, et que moi je n’ai point de poil. Si mon père vient donc à me toucher et qu’il s’en aperçoive, j’ai peur qu’il ne croie que je l’ai voulu tromper, et qu’ainsi je n’attire sur moi sa malédiction au lieu de sa bénédiction. Sa mère lui répondit : Mon fils, je me charge moi-même de cette malédiction : faites seulement ce que je vous conseille, et allez me chercher ce que je vous dis. Il y alla, il l’apporta, et il le donna à sa mère, qui en prépara à manger à son père comme elle savait qu’il l’aimait. Elle fit prendre ensuite à Jacob de très beaux habits d’Ésaü qu’elle gardait elle-même à la maison. Et elle lui mit autour des mains la peau des chevreaux, et lui en couvrit le cou partout où il était découvert. Puis elle lui donna ce qu’elle avait préparé à manger, et les pains qu’elle avait cuits. Jacob porta le tout devant Isaac, et lui dit : Mon père. Je vous entends, dit Isaac. Qui êtes-vous, mon fils ? Jacob lui répondit ; Je suis Ésaü, votre fils aîné. J’ai fait ce que vous m’avez commandé : levez-vous, mettez-vous sur votre séant, et mangez de ma chasse afin que vous me donniez votre bénédiction. Isaac dit encore à son fils : Mais comment avez-vous pu, mon fils, en trouver si tôt ? Il lui répondit : Dieu a voulu que ce que je désirais se présentât tout d’un coup à moi. Isaac dit encore : Approchez-vous ; d’ici, mon fils, afin que je vous : touche, et que je reconnaisse si vous êtes mon fils Ésaü ou non. Jacob s’approcha de son père ; et Isaac l’ayant tâté, dit : Pour la voix, c’est la voix de Jacob ; mais les mains sont les mains d’Ésaü. Et il ne le reconnut point, parce que ses mains, étant couvertes de poil, parurent toutes semblables à celles de son aîné. Isaac, le bénissant donc, lui dit : Êtes-vous mon fils Ésaü ? Je le suis, répondit Jacob. Mon fils, ajouta Isaac, apportez-moi à manger de votre chasse, afin que je vous bénisse. Jacob lui en présenta ; et après qu’il en eut mangé, il lui présenta aussi du vin qu’il but. Isaac lui dit ensuite : Approchez-vous de moi, mon fils, et venez me baiser. Il s’approcha donc de lui, et le baisa. Et Isaac, aussitôt qu’il eut senti la bonne odeur qui sortait de ses habits, lui dit en le bénissant : L’odeur qui sort de mon fils est semblable à celle d’un champ plein de fleurs que le Seigneur a comblé de ses bénédictions. Que Dieu vous donne une abondance de blé et de vin, de la rosée du ciel et de la graisse de la terre. Que les peuples vous soient assujettis, et que les tribus vous adorent. Soyez le seigneur de vos frères, et que les enfants de votre mère se courbent devant vous. Que celui qui vous maudira, soit maudit lui-même ; et que celui qui vous bénira, soit comblé de bénédictions. Isaac ne faisait que d’achever ces paroles, et Jacob était à peine sorti dehors, lorsqu’Ésaü entra, et que, présentant à son père ce qu’il avait apprêté de sa chasse, il lui dit : Levez-vous, mon père, et mangez de la chasse de votre fils, afin que vous me donniez votre bénédiction. Isaac lui dit : Qui êtes-vous donc ? Ésaü lui répondit : Je sais Ésaü, votre fils aîné. Isaac fut frappé d’un profond étonnement ; et, admirant au-delà de tout ce qu’on peut croire ce qui était arrivé, il lui dit : Qui est donc celui qui m’a déjà apporté de ce qu’il avait pris à la chasse, et qui m’a fait manger de tout avant que vous vinssiez ? et je lui ai donné ma bénédiction, et il sera béni. Ésaü, à ces paroles de son père, jeta un cri furieux ; et, étant dans une extrême consternation, il lui dit : Donnez-moi aussi votre bénédiction, mon père. Isaac lui répondit : Votre frère m’est venu surprendre, et il a reçu la bénédiction qui vous était due. C’est avec raison, dit Ésaü, qu’il a été appelé Jacob ; car voici la seconde fois qu’il m’a supplanté. Il m’a enlevé auparavant mon droit d’aînesse ; et présentement II vient encore de me dérober la bénédiction qui m’était due. Mais, mon père, ajouta Ésaü, ne m’avez-vous point réservé aussi une bénédiction ? Isaac lui répondit : Je l’ai établi votre seigneur et j’ai assujetti à sa domination tous ses frères. Je l’ai affermi dans la possession du blé et du vin ; et après cela, mon fils, que me reste-t-il que je puisse faire pour vous ? Ésaü lui répartit : N’avez-vous donc, mon père, qu’une seule bénédiction ? Je vous conjure de me bénir aussi. Il jeta ensuite de grands cris mêlés de larmes. Et Isaac, en étant touché, lui dit : Votre bénédiction sera dans la graisse de la terre et dans la rosée du ciel qui vient d’en haut.

Oraison sur le peuple - Nous vous en supplions, Seigneur, gardez votre famille avec une constante bonté afin que celle qui s’appuie sur l’unique espérance de votre grâce céleste, soit toujours munie de votre protection.

Leçon de saint Augustin (du deuxième dimanche de carême) - Ce que fit Jacob, sous l’influence maternelle, de façon à paraître tromper son père, se révèle, au regard attentif de la foi diligente, non pas comme un mensonge, mais comme un mystère. Si nous disons : « Mensonges que tout cela », alors, toutes les paraboles, toutes ces figures pour exprimer n’importe quelles réalités qui ne sont pas à prendre au pied de la lettre, mais qui veulent faire comprendre une chose par une autre, seront aussi des mensonges ? Ah ! non, vraiment, non ! Celui qui pense ainsi va-t-il étendre cette calomnie à toutes les locutions figurées qui sont tellement nombreuses ? Il en est une qui porte le nom même de métaphore, c’est-à-dire « empreint d’un terme propre à une chose pour le transférer à une autre à laquelle il n’appartient pas en propre ». Alors, pourrait-on, à ce compte, parler de mensonge ?

Ce qui est signifié, voilà certes ce qui est dit. Telles paroles sont jugées mensonges parce que la vraie signification n’en est pas comprise parce que l’on croit dites des choses fausses. Pour que ceci devienne plus clair par des exemples, prête attention à l’action même de Jacob. Certes, il couvre ses membres de peaux de chevreau. Si nous recherchons le motif immédiat, nous penserons : il a menti. Il agit ainsi afin d’être pris pour celui qu’il n’est pas. Mais si ce fait est rapporté à cette signification figurée qui est la cause même de son accomplissement alors, les peaux de chevreau représentent les péchés, et celui qui s’en est recouvert est la figure de celui-là même qui a porté, non ses péchés, mais ceux des autres. En aucune façon, la signification vraie ne peut donc être dite mensonge. Il en est ainsi pour l’action, ainsi de même pour les paroles. Car lorsque son père lui demanda : « Qui es-tu, mon fils ? » celui-ci répondit : « Je suis Ésaü, ton premier-né. » Si nous rapportons ceci à ces deux jumeaux, il semblera qu’il y ait mensonge, si au contraire, nous les rapportons à cette réalité en vue de laquelle ces paroles et ces gestes figuratifs ont été consignés par écrit, c’est lui qu’il faut comprendre ici, dans son corps qui est son Église, lui qui a dit, en parlant de cet événement : « Vous verrez Abraham, Isaac, Jacob et tous les prophètes dans le Royaume de Dieu, tandis que vous-mêmes serez jetés dehors... » et « L’on viendra du levant et du couchant du nord et du midi, prendre place au festin dans le Royaume de Dieu. Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers ». C’est ainsi que le frère plus jeune d’une certaine manière a enlevé à son aîné la priorité et en a transféré les droits sur lui-même.

Saint Evangile selon Saint Luc (Lc XV, 11-32) - En ce temps-là, Jésus dit aux Pharisiens et aux Scribes cette parabole : Un homme avait deux fils ; et le plus jeune des deux dit à son père : Mon père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir. Et le père leur partagea son bien. Et peu de jours après, le plus jeune fils, ayant rassemblé tout ce qu’il avait, partit pour un pays étranger et lointain, et là il dissipa son bien, en vivant dans la débauche. Et après qu’il eut tout dépensé, il survint une grande famine dans ce pays-là, et il commença à être dans le besoin. Il alla donc, et s’attacha au service d’un des habitants du pays, qui l’envoya dans sa maison des champs pour garder les pourceaux. Et il désirait remplir son ventre des gousses que les pourceaux mangeaient ; mais personne ne lui en donnait. Et étant rentré en lui-même, il dit : Combien de mercenaires, dans la maison de mon père, ont du pain en abondance, et moi je meurs ici de faim ! Je me lèverai, et j’irai vers mon père, et je lui dirai : Mon père, j’ai péché contre le ciel et contre toi ; je ne suis plus digne désormais d’être appelé ton fils, traite-moi comme l’un de tes mercenaires. Et se levant, il vint vers son père. Comme il était encore loin, son père le vit, et fut ému de compassion ; et, accourant, il se jeta à son cou, et le baisa. Et le fils lui dit : Mon père, j’ai péché contre le ciel et contre toi ; je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Alors le père dit à ses serviteurs : Vite, apportez la plus belle robe, et revêtez-l’en ; et mettez un anneau à sa main, et des chaussures à ses pieds ; puis amenez le veau gras et tuez-le ; et mangeons, et faisons bonne chère ; car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé. Et ils commencèrent à faire grande chère. Cependant son fils aîné était dans les champs ; et comme il revenait et s’approchait de la maison, il entendit la musique et les danses. Et il appela un des serviteurs, et demanda ce que c’était. Celui-ci lui dit : Ton frère est revenu, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il l’a recouvré sain et sauf. Il s’indigna, et ne voulait pas entrer. Son père sortit donc, et se mit à le prier. Mais, répondant à son père, il dit : Voilà tant d’années que je te sers, et je n’ai jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour faire bonne chère avec mes amis ; mais dès que cet autre fils, qui a dévoré son bien avec des femmes perdues, est revenu, tu as tué pour lui le veau gras. Alors le père lui dit : Mon fils, tu es toujours avec moi, et tout ce que j’ai est à toi : mais il fallait faire bonne chère et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort, et qu’il est revenu à la vie parce qu’il était perdu, et qu’il est retrouvé.

Leçon de saint Ambroise (Lib. 8 Comment. in cap. 15 Lucæ, post initium) - Tu le vois, le patrimoine divin est donné à qui le demande. Ne crois pas que le père ait eu tort de donner à quelqu’un de trop jeune sa part de fortune. Aucun âge n’est inapte au Royaume de Dieu et la foi ne souffre pas du poids des années. A coup sûr, celui qui demande sa part s’est estimé capable de la gérer. Ah ! qu’il eût bien fait de ne pas s’éloigner de son père ! Il n’aurait pas connu de détriment du fait de son âge. Mais, parti pour un pays lointain, sorti de la maison paternelle, il tombe dans l’indigence. En vérité, il dissipe son patrimoine, celui qui s’éloigne de l’Église.

« Il partit pour un pays lointain. » Est-il pire éloignement que de se quitter soi-même, d’accepter la distance que crée, non l’espace, mais la conduite, de s’isoler par les désirs du cœur et non par des étendues de terre, d’être séparé des saints comme par une zone brûlante de luxure terrestre ? Car quiconque se sépare du Christ, s’exile de la patrie et choisit le monde pour cité. Mais nous, « nous ne sommes plus des étrangers ni des gens de passage. Nous sommes concitoyens des saints, nous sommes la maison de Dieu. » « Nous qui jadis étions loin, nous sommes devenus proches grâce au sang du Christ » Gardons-nous donc d’être malveillants envers ceux qui reviennent d’un pays éloigné car nous aussi, nous avons vécu dans une région lointaine, comme l’enseigne Isaïe. Tu lis en effet : « Sur ceux qui gisent dans l’ombre de la mort une lumière a resplendi ». Ainsi, le pays lointain, c’est l’ombre de la mort. Pour nous, le Christ Seigneur est le souffle de notre vie ; nous vivons à l’ombre du Christ. Aussi l’Église dit-elle : « A son ombre désirée, je me suis assise ». Ce jeune homme donc, a consumé dans une vie de débauche tout le charme dont il était pourvu. Toi, qui as reçu l’empreinte de l’image de Dieu, qui porte sa ressemblance, veille donc à ne pas la réduire à néant par une vie honteuse, indigne de ta raison. Tu es l’œuvre de Dieu, ne dis pas au bois : « Tu es mon père ». Ne te rends pas semblable aux idoles de bois, puisqu’il est écrit : « Que deviennent comme elles ceux qui les font »

Dom Guéranger, L’année liturgique - (pour le Samedi de la 2ème semaine de carême)

La Station est à l’Église des saints Pierre et Marcellin, célèbres martyrs de Rome sous la persécution de Dioclétien, et dont les noms ont l’honneur d’être inscrits au Canon de la Messe.

Sur l’Epître - Les deux enfants de Jacob nous manifestent à leur tour la suite des jugements de Dieu sur Israël et sur la gentilité ; et l’initiation de nos Catéchumènes poursuit son cours. Voici deux frères, l’aîné et le plus jeune. Ésaü est le type du peuple juif : il possède le droit d’aînesse, et la plus haute destinée l’attend ; Jacob, né après lui, quoique d’un même enfantement, n’a pas le droit de compter sur la bénédiction réservée à l’aîné : il figure la gentilité. Cependant, les rôles sont changés : c’est Jacob qui reçoit cette bénédiction, et son frère en est frustré. Que s’est-il donc passé ? Le récit de Moïse nous l’apprend. Ésaü est un homme charnel ; ses appétits le dominent. La jouissance qu’il attend d’un mets grossier lui a fait perdre de vue les biens spirituels attachés à la bénédiction de son père. Dans son avidité, il cède à Jacob pour un plat de lentilles les droits sublimes que lui confère son aînesse. Nous venons de voir comment l’industrie d’une mère servit les intérêts de Jacob, et comment le vieux père, instrument de Dieu sans le savoir, confirma et bénit cette substitution dont il avait ignoré l’existence. Ésaü, de retour auprès d’Isaac, comprit l’étendue de la perte qu’il avait faite ; mais il n’était plus temps ; et il devint l’ennemi de son frère. C’est ainsi que le peuple juif, livré à ses idées charnelles, a perdu son aînesse sur les Gentils. Il n’a pas voulu suivre un Messie pauvre et persécuté ; il rêvait triomphes et grandeurs mondaines, et Jésus ne promettait qu’un royaume spirituel. Israël a donc dédaigne ce Messie ; mais les Gentils l’ont reçu, et ils sont devenus les aînés. Et parce que le peuple juif ne veut pas reconnaître cette substitution qu’il a cependant consentie, au jour où il criait : « Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous (Luc. 19, 14) » : maintenant il voit avec dépit que toutes les faveurs du Père céleste sont pour le peuple chrétien. Les enfants d’Abraham selon la chair sont déshérités à la vue de toutes les nations, tandis que les enfants d’Abraham par la foi sont manifestement les fils de la promesse, selon la parole du Seigneur à cet illustre Patriarche : « Je multiplierai ta race au-dessus des étoiles du ciel et des sables de la mer et toutes les nations seront bénies en celui qui sortira de toi. (Gen. 22, 17) »

Sur l’Evangile - C’est ici encore le mystère que nous venons de reconnaître tout à l’heure dans le récit de la Genèse. Deux frères sont en présence, et l’aîné se plaint du sort que la bonté du père a fait au plus jeune. Celui-ci s’en est allé dans une région lointaine, il a fui loin du toit paternel, afin de s’abandonner plus librement à ses désordres : mais quand il s’est vu réduit à la plus extrême disette, il s’est ressouvenu de son père, et il est venu solliciter humblement la dernière place dans cette maison qui aurait dû être un jour la sienne. Le père a accueilli le prodigue avec la plus vive tendresse : non seulement il lui a pardonné, mais il lui a rendu tous ses droits de fils. Il a fait plus encore : un festin a été donné pour célébrer cet heureux retour ; et c’est toute cette conduite du père qui excite la jalousie du frère aîné. Mais c’est en vain qu’Israël s’indigne contre la miséricorde du Seigneur : l’heure est venue où la plénitude des nations va être convoquée pour entrer au bercail universel. Si loin que leurs erreurs et leurs passions aient entraîné les Gentils, ils entendront la voix des Apôtres. Grecs et Romains, Scythes et barbares, tous, frappant leurs poitrines, accourront demandant à être admis en participation des faveurs d’Israël. Mais on ne leur donnera pas seulement les miettes qui tomberont de la table, comme le demandait la Chananéenne ; ils seront admis sur le pied d’enfants légitimes et honorés. Les plaintes envieuses d’Israël ne seront pas reçues. S’il refuse de prendre part au banquet, la fête ne s’en célébrera pas moins. Or, cette fête, c’est la Pâque ; ces enfants rentrés nus et exténués dans la maison paternelle, ce sont nos Catéchumènes, sur lesquels le Seigneur s’apprête à répandre la grâce de l’adoption.

Mais ces enfants prodigues qui viennent se mettre à la merci de leur père offensé, sont aussi les Pénitents publics dont l’Église, en ces jours, préparait la réconciliation. Ce passage de l’Évangile a été choisi pour eux aussi bien que pour les Catéchumènes. L’Église, qui s’est relâchée de sa sévère discipline, propose aujourd’hui cette parabole à tous les pécheurs qui se disposent à faire leur paix avec Dieu. Ils ne connaissaient pas encore l’infinie bonté du Seigneur qu’ils ont abandonné : qu’ils apprennent aujourd’hui combien la miséricorde l’emporte sur la justice dans le cœur de celui qui « a aimé le monde jusqu’à lui donner son propre Fils unique » (Johan. I3, 16). Quelque lointaine qu’ait été leur fuite, quelque profonde qu’ait été leur ingratitude, tout est préparé, dans la maison paternelle, pour fêter leur retour. Le père tendre qu’ils ont quitté attend à la porte, prêt à courir au-devant d’eux pour les embrasser ; leur première robe, la robe de l’innocence, va leur être rendue ; l’anneau que portent seuls les enfants de la maison ornera de nouveau leur main purifiée. La table du festin est dressée pour eux, et les Anges vont y faire entendre les mélodies célestes. Qu’ils crient donc du fond de leur cœur : « O Père, j’ai péché contre le Ciel et contre vous ; je ne mérite plus d’être appelé votre fils ; traitez-moi comme l’un de vos mercenaires. » Le regret sincère de leur égarement passé, l’humilité de l’aveu, la ferme résolution d’être désormais fidèles : ce sont là les seules et faciles conditions que le père exige de ses prodigues pour en faire les fils de sa prédilection.

En ce jour du Samedi, implorons aux pieds de Marie, reine de miséricorde, le pardon de nos péchés, en lui présentant cette Prose touchante des anciens Missels de Cluny :

Séquence - « Salut, ô étoile, qui lances le rayon d’une nouvelle lumière ; ce rayon qui efface la honte de l’humaine famille.

« Tu es l’unique espoir de l’homme, tu es notre refuge : à l’heure du péril, apaise pour nous ton Fils.

« Branche fleurie de Jessé, primeur du printemps, commencement du salut ;

« Rose toujours nouvelle, toujours sans tache, purifiant nos souillures ;

« Sein virginal, fontaine des jardins, puits des eaux vives ;

« Trône d’or, sur lequel le Roi du ciel a couronné son Fils ;

« Demeure parfumée, que le souverain Créateur a bâtie d’un art merveilleux ;

« Dans laquelle le Christ, couvert du vêtement de la chair, est consacré Pontife ;

« Source d’huile salutaire, rosée de miel délicieux, symbole de ton amour ;

« De toi procède cet heureux bain qui lave nos plaies amères et les taches du péché.

« O Mère, les blessures de ton Fils en proie à la souffrance pénétrèrent ton cœur.

« Rappelle-lui ton lait, présente-lui ton sein, et délivre-nous des supplices du redoutable jugement. Amen. »