Mardi de la 2ème semaine de carême

 

Textes liturgiques

Oraison - Nous vous supplions, Seigneur, de continuer à nous assister avec bonté, dans l’observation de ce saint jeûne ; afin qu’ayant appris de vous-même ce que nous avons à faire, nous l’accomplissions par le secours de votre grâce.

Epitre du livre des Rois (III R XVII, 8-16) - En ces jours-là, la parole du Seigneur fut aussi adressée à Élie de Thesbé : Allez à Sarepta des Sidoniens, et demeurez-y ; car j’ai commandé à une femme veuve de vous y nourrir. Élie se leva et s’en alla à Sarepta. Lorsqu’il fut venu à la porte de la ville, il aperçut une femme veuve qui ramassait du bois ; il l’appela et lui dit : Donnez-moi un peu d’eau dans un vase afin que je boive. Tandis qu’elle allait lui en chercher, il lui cria derrière elle : Apportez-moi aussi, je vous prie, une bouchée de pain dans votre main. Elle lui répondit : Vive le Seigneur votre Dieu, je n’ai point de pain ; j’ai seulement dans un pot autant de farine qu’on peut en prendre avec trois doigts, et un peu d’huile dans un petit vase. Je viens ramasser ici deux morceaux de bois pour aller apprêter à manger à moi et à mon fils, afin que nous mourions ensuite. Élie lui dit : Ne craignez point, et faites comme vous avez dit ; mais faites d’abord pour moi, de ce petit reste de farine, un petit pain cuit sous la cendre et apportez-le-moi, et vous en ferez après cela pour vous et pour votre fils. Car voici ce que dit le Seigneur, Dieu d’Israël : La farine qui est dans ce pot ne manquera point, et l’huile qui est dans ce petit vase ne diminuera pas, jusqu’au jour où le Seigneur doit faire tomber la pluie sur la terre. Cette femme s’en alla donc, et fit ce qu’Élie lui avait dit. Et Élie mangea, et elle, et sa maison ; et depuis ce jour, la farine du pot ne manqua point, et l’huile du petit vase ne diminua pas, selon que le Seigneur l’avait prédit par Élie.

Saint Evangile selon Saint Mathieu (Mt XXIII, 1-12) - En ce temps-là, Jésus parla aux foules et à ses disciples en disant : Les scribes et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse. Observez donc et faites tout ce qu’ils vous disent ; mais n’agissez pas selon leurs œuvres, car ils disent, et ils ne font pas. Ils lient des fardeaux pesants et insupportables, et ils les mettent sur les épaules des hommes ; mais ils ne veulent pas les remuer du doigt. Ils font toutes leurs actions pour être vus des hommes ; c’est pourquoi ils portent de larges phylactères et de longues franges. Ils aiment les premières places dans les festins, et les premières chaires dans les synagogues, et à être salués dans les places publiques, et à être appelés Rabbi par les hommes. Mais vous, ne vous faites point appeler Rabbi, car vous n’avez qu’un seul Maître, et vous êtes tous frères. Et ne donnez à personne sur la terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, qui est dans les cieux. Et qu’on ne vous appelle point maîtres, car vous n’avez qu’un seul Maître, le Christ. Celui qui est le plus grand parmi vous, sera votre serviteur. Quiconque s’élèvera, sera humilié, et quiconque s’humiliera, sera élevé.

Oraison sur le peuple - Écoutez favorablement nos supplications, ô Seigneur, et guérissez les maux de nos âmes, afin qu’ayant reçu votre pardon, nous nous réjouissions sans cesse grâce à votre bénédiction. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Leçon de saint Jérôme (Liber 4 Comment. in cap. 23 Matth) - Est-il douceur, est-il bonté plus grande que celle du Seigneur ? Les pharisiens le tentent, leurs pièges s’écroulent, et selon les mots du psalmiste : « Dieu leur a tiré une flèche, soudaines ont été leurs blessures » et néanmoins, par respect pour la dignité de leur sacerdoce et de leur titre, il exhorte les foules à leur être soumises, en considérant non leurs œuvres, mais leur doctrine. En disant : « Les scribes et les pharisiens se sont installés dans la chaire de Moïse », il désigne par le mot « chaire » l’enseignement de la loi. Et ce qui est dit dans le psaume : « Il ne s’est pas assis dans la chaire de pestilence », et « Il renversa les chaires des marchands de colombes », nous devons le comprendre dans le sens de la doctrine.

« Ils attachent des fardeaux pesants et les mettent sur les épaules des hommes mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. » Ceci s’adresse d’une manière générale à tous les maîtres qui commandent des choses pesantes et n’en font pas de moindres. Notons d’ailleurs que les mots épaules, doigts, fardeaux et liens qui servent à fixer les fardeaux doivent s’entendre au sens spirituel. « Toutes leurs actions, ils les font pour être vus des hommes. » Ainsi quiconque agit en quoi que ce soit pour être vu des hommes est un scribe et un pharisien.

« Ils portent de larges phylactères et de longues franges, ils aiment la première place dans les banquets, les premiers sièges dans les synagogues, les salutations sur les places publiques, et qu’on les appelle ‘Rabbi’. » Malheur à nous, misérables ! à qui sont passés les vices des pharisiens. Quand le Seigneur eut donné par l’intermédiaire de Moïse les commandements de la loi, il conclut : « Tu les attacheras à ta main et sur ton front comme un bandeau. » En voici le sens : Que mes préceptes soient dans ta main pour que tu les réalises dans tes actes ; qu’ils soient sur ton front pour que tu les médites jour et nuit. Les pharisiens ont mal interprété ; ils se sont mis à écrire le Décalogue de Moïse, c’est-à-dire les dix paroles de la loi, sur des bouts de parchemins qu’ils pliaient et attachaient à leur front pour s’en faire comme une couronne sur leur tête : ils les emportaient toujours avec eux sur leur front.

Commentaire de Dom Guéranger

La Station est dans l’Église de Sainte-Balbine. Cette vierge romaine était fille du tribun Quirinus, qui souffrit le martyre sous le pontificat du pape saint Alexandre, au second siècle. Elle consacra à Dieu sa virginité, et vécut dans les bonnes œuvres jusqu’à son heureuse mort.

Sur l’Epître - L’instruction des Catéchumènes se poursuit, à l’aide des faits évangéliques qui vont se développant de jour en jour ; et l’Église continue de prendre dans l’Ancien Testament les indices prophétiques qui se réaliseront dans la malédiction des Juifs et la vocation des Gentils. Aujourd’hui, c’est Élie, ce personnage mystérieux qui nous tient fidèle compagnie pendant le Carême ; c’est lui qui vient mettre en action les jugements que Dieu portera un jour sur son peuple ingrat. Une sécheresse de trois ans a réduit aux abois le royaume d’Israël, sans qu’il ait songé à se convertir au Seigneur. Élie cherche encore quelqu’un qui veuille le nourrir. Nourrir le Prophète de Dieu, c’est une grande faveur, car Dieu est avec lui. Cet homme de miracle se dirigera-t-il vers quelque maison du royaume d’Israël ? Passera-t-il dans la terre de Juda ? Non ; il se tourne vers les régions de la gentilité ; c’est au pays de Sidon qu’il se rend, à Sarepta, chez une pauvre veuve. C’est chez cette humble femme qu’il transporte la bénédiction d’Israël. Le Sauveur lui-même a relevé cette circonstance, où paraît si visiblement la justice de Dieu contre les Juifs et sa miséricorde envers nous. « En vérité, je vous le dis, il y avait dans Israël beaucoup de veuves au temps d’Élie ; et cependant il ne fut envoyé à aucune d’elles, mais bien à la veuve de Sarepta, dans la terre de Sidon. » (Luc. 4, 25)

Cette pauvre femme est donc le type de la gentilité appelée à la foi. Aussi, voyons quels caractères frappants nous présente cette histoire symbolique. Il s’agit d’une veuve sans appui, sans protection ; c’est la gentilité délaissée, n’ayant personne qui la défende contre l’ennemi du genre humain. Pour nourrir la mère et l’enfant, il ne reste plus qu’un peu de farine et un peu d’huile, après quoi il faudra mourir ; c’est l’image de l’affreuse disette de vérités que souffrait le monde païen, dont la vie était près de s’éteindre quand l’Évangile lui fut annoncé. Dans cette extrémité, la veuve de Sarepta reçoit le Prophète avec humanité et confiance ; elle ne doute point de sa parole, et elle est sauvée, elle et son fils. C’est ainsi que la gentilité accueillit les Apôtres, lorsque, secouant la poussière de leurs pieds, ils se virent contraints de tourner le dos à l’infidèle Jérusalem. Nous voyons la veuve tenant dans ses mains deux morceaux de bois ; ce double bois, au jugement de saint Augustin, de saint Césaire d’Arles et de saint Isidore de Séville, échos de la tradition primitive du christianisme, est la figure de la Croix. Avec ce bois, la veuve cuit le pain qui doit la nourrir, parce que c’est de la Croix que procède pour les gentils la nourriture et la vie, par Jésus qui est le Pain vivant. Tandis qu’Israël demeure dans la disette et la sécheresse, l’Église des Gentils ne voit défaillir en son sein ni la farine du froment céleste, ni l’huile, symbole de force et de douceur. Gloire soit donc à Celui qui nous a appelés du sein des ténèbres à l’admirable lumière de la foi ! Mais tremblons à la vue des malheurs que l’abus des grâces a attirés surtout un peuple. Si la justice de Dieu n’a pas reculé devant la réprobation d’une nation, s’arrêtera-t-elle devant notre endurcissement volontaire ?

Sur l’Evangile - Les docteurs de la Loi sont encore assis sur la chaire de Moïse ; Jésus veut qu’on écoute leur enseignement. Mais cette chaire, qui est une chaire de vérité, malgré l’indignité de ceux qui y sont assis, ne restera plus longtemps au sein d’Israël. Caïphe prophétisera encore, parce qu’il est pontife en cette année ; mais sa chaire, qu’il a souillée par d’indignes passions, va bientôt être enlevée et transférée au milieu de la gentilité. Jérusalem, qui aura renié le divin libérateur, va perdre ses honneurs ; et bientôt Rome, le centre de la puissance païenne, verra s’élever dans ses murs cette même chaire qui était la gloire d’Israël, du haut de laquelle se proclamaient les prophéties si visiblement accomplies en Jésus. Cette chaire ne sera plus ébranlée désormais, quelle que soit la fureur des portes de l’enfer ; elle sera toujours l’espoir fidèle des nations qui recevront d’elle l’indéfectible témoignage de la vérité. C’est ainsi que le flambeau de la foi qui luisait dans Jacob a été déplacé, mais ne s’est pas éteint. Jouissons de sa lumière, et méritons par notre humilité que ses rayons viennent toujours jusqu’à nous.

Quelle a été la cause de la perte d’Israël ? Son orgueil. Il s’est complu dans les dons que Dieu avait accumulés sur lui ; il n’a pas voulu reconnaître un Messie dépourvu de toute gloire humaine ; il s’est révolté d’entendre dire à Jésus que les Gentils participeraient au salut, et il a voulu, par le plus grand des forfaits, étouffer cette voix qui lui reprochait la dureté de son cœur. Ces hommes superbes, à la veille du jour de la vengeance divine, que tout leur annonce être prochain, n’ont rien perdu de leur arrogance. C’est toujours le même faste, le même mépris impitoyable pour les pécheurs. Le Fils de Dieu s’est fait le fils de l’homme ; il est notre maître, et c’est lui qui nous sert ; apprenons à cet exemple le prix de l’humilité. Si on nous nomme Maître, si on nous appelle Père, n’oublions pas que nul n’est maître, que nul n’est père que par le Seigneur notre Dieu. Le maître digne de ce nom est celui par la bouche duquel Jésus-Christ enseigne ; et celui-là seul est vraiment père qui reconnaît que son autorité paternelle ne vient que de Dieu ; car, comme le dit l’Apôtre, « c’est du Père de notre Seigneur Jésus-Christ que découle toute paternité au ciel et sur la terre » (Eph. 3, 14).

Nous continuons aujourd’hui l’Hymne du prince des poètes chrétiens, que nous avons commencé de lire hier.

« L’observance du jeûne ajouta encore à la grandeur d’Élie, ce vieux prêtre, hôte d’un désert aride. Ce prophète, fuyant le bruit des cités et la vue de tant de crimes, goûtait le tranquille silence de la solitude.

« Mais bientôt il s’envola dans les airs, entraîné par des chevaux de feu sur un char rapide, de peur que le monde, trop voisin encore, n’exhalât la contagion de ses vices sur cet homme paisible qu’illustrait la rigueur des jeûnes qu’il avait accomplis.

« Moïse, fidèle interprète du trône redoutable, ne put contempler le Roi du ciel aux sept régions, avant que le soleil, dans sa course à travers le firmament, ne l’eût revu quarante fois privé de toute nourriture.

« Il priait, et son seul aliment étaient ses larmes. Il veillait, et son front pressait la terre arrosée de ses pleurs, jusqu’à ce que, averti par la voix de Dieu, son regard tremblant se dirigea vers ce feu dont il ne pouvait supporter l’éclat.

« Jean, qui fut le précurseur du Fils du Dieu éternel, ne fut pas moins puissant dans le jeûne, lui qui abaissa les sentiers raboteux et redressa les voies tortueuses, enseignant aux hommes la voie droite qu’ils avaient à suivre.

« Il préparait à son tour les mortels à l’observance du jeûne, ce messager chargé d’ouvrir un chemin au Dieu qui allait venir, enseignant que les montagnes devaient s’aplanir, les voies rocailleuses s’adoucir, afin que la Vérité, descendant sur la terre, ne rencontrât plus aucun sentier négligé.

« Sa naissance eut lieu contre les lois ordinaires de la nature : enfant tardivement mis au jour, il suça les mamelles d’une mère au sein de laquelle le lait était tari ; mais sa vieille mère ne l’avait pas encore mis au jour que déjà l’enfant avait annoncé la Vierge qui portait Dieu.

« Bientôt il se retira dans un vaste désert ; il se couvrit de peaux de bête au poil dur et hérissé, à la laine grossière, fuyant avec horreur la souillure que produisent les mœurs impures des cités.

« Là, se livrant à la règle de l’abstinence, cet homme aux mœurs sévères renvoyait au soir la nourriture et le breuvage, ne donnant à son corps pour aliment que des sauterelles et quelques gouttes de miel sauvage.

« Le premier, il prêcha ; le premier, il enseigna le salut nouveau ; ce fut lui qui clans le fleuve sacre purifia les taches qui longtemps avaient souillé les consciences ; mais s’il lavait ainsi les membres des pécheurs, l’Esprit devait bientôt du haut du ciel répandre ses influences dans leurs cœurs. »