Textes du Lundi de la 4ème semaine de carême
Oraison
Faites-nous la grâce, ô Dieu tout-puissant, qu’en pratiquant
chaque année ces saintes observances avec une religieuse fidélité, nous vous
soyons agréables de corps et d’âme.
Epitre du livre des Rois (III R III, 1-28) ;
En ces jours-là, deux femmes de mauvaise vie vinrent trouver
le roi, et se présentèrent devant lui. L’une d’elles lui dit : Je vous
prie, mon seigneur, faites-moi justice. Nous demeurions, cette femme et moi,
dans une même maison, et je suis accouchée près d’elle dans la même chambre.
Elle est accouchée aussi trois jours après moi ; nous étions ensemble dans
cette maison, et il n’y avait personne autre que nous deux. Le fils de cette
femme est mort pendant la nuit, car elle l’a étouffée en dormant ; et se
levant dans le silence d’une nuit profonde, pendant que je dormais, moi votre
servante, elle m’a ôté mon fils que j’avais à mon côté ; et l’ayant pris
auprès d’elle, elle a mis auprès de moi son fils qui était mort. Quand je me
levai le matin pour allaiter mon fils, je vis qu’il était mort ; et, le
considérant avec plus d’attention au grand jour, j’ai reconnu que ce n’était
pas le mien, celui que j’avais enfanté. L’autre femme lui répondit : Ce
que tu dis n’est pas vrai ; mais c’est ton fils qui est mort, et le mien,
est vivant. La première, au contraire, répliquait : Tu mens, car c’est mon
fils qui est vivant, et le tien est mort : et elles disputaient ainsi
devant le roi. Alors le roi dit : Celle-ci dit : Mon fils est vivant,
et le tien est mort. Et l’autre répond : Non, mais c’est ton fils qui est
mort, et le mien est vivant. Le roi ajouta : Apportez-moi une épée. Lorsqu’on
eut apporté une épée devant le roi, il dit à ses gardes : Coupez en deux
cet enfant qui est vivant, et donnez-en la moitié à l’une, et la moitié à l’autre.
Alors la femme dont le fils était vivant dit au roi (car ses entrailles furent
émues pour son fils) : Seigneur, donnez-lui, je vous supplie, l’enfant
vivant, et ne le tuez point. L’autre disait au contraire : Qu’il ne soit
ni à moi ni à toi ; mais qu’on le divise en deux. Alors le roi prononça
cette sentence : Donnez à celle-ci l’enfant vivant, et qu’on ne le tue
point ; car c’est elle qui est sa mère. Tout Israël apprit donc la manière
dont le roi avait jugé cette affaire, et ils conçurent tous de la crainte pour
lui, voyant que la sagesse de Dieu était en lui pour rendre la justice.
Saint Evangile selon Saint Jean (Jn II, 13-25) ;
En ce temps-là : la Pâque des Juifs était proche et
Jésus monta à Jérusalem, et il trouva dans le temple des marchands de bœufs, de
brebis et de colombes, et des changeurs assis. Et ayant fait un fouet avec des
cordes, il les chassa tous du temple, ainsi que les brebis et les bœufs ;
et il jeta par terre l’argent des changeurs et renversa leurs tables. Et il dit
à ceux qui vendaient des colombes : Otez cela d’ici, et ne faites pas de
la maison de mon Père une maison de trafic. Or ses disciples se souvinrent qu’il
est écrit : Le zèle de votre maison me dévore. Les Juifs, prenant la
parole, lui dirent : Quel signe montrez-vous pour agir de la sorte ?
Jésus leur répondit : Détruisez ce temple, et en trois jours je le
rétablirai. Les Juifs dirent : Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce
temple et vous le rétablirez en trois jours ? Mais il parlait du temple de
son corps. Après donc qu’il fut ressuscité d’entre les morts, ses disciples se
souvinrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Écriture, et à la parole
que Jésus avait dite. Pendant qu’il était à Jérusalem pour la fête de Pâque,
beaucoup crurent en son nom, voyant les miracles qu’il faisait. Mais Jésus ne
se fiait point à eux, parce qu’il les connaissait tous, et qu’il n’avait pas
besoin que personne lui rendît témoignage d’aucun homme ; car il savait
lui-même ce qu’il y avait dans l’homme.
Leçon de saint Augustin ;
Que venons-nous d’entendre, mes frères ? Ce temple n’était
que figuratif, et le Seigneur en chassa tous ceux qui, cherchant leurs
intérêts, y étaient venus faire le trafic. Et qu’y vendaient-ils ? Ce dont
les hommes avaient besoin pour les sacrifices de ce temps-là. Car votre charité
n’ignore pas que c’était à cause de ses instincts grossiers et de son cœur de
pierre, que de tels sacrifices avaient été donnés à ce peuple, pour le retenir
sur le penchant qui l’entraînait au culte des idoles. Les Juifs immolaient donc
dans le temple des bœufs, des brebis et des colombes. Vous le savez, car vous l’avez
lu. Il semble donc que ce n’était pas un grand péché de vendre dans le temple
ce qui s’achetait pour être offert dans le temple, et cependant Jésus-Christ en
chassa les marchands. Qu’aurait donc fait le Seigneur, s’il avait trouvé là des
hommes plongés dans l’ivresse, lui qui expulsa ceux qui vendaient des choses qu’il
est pourtant permis de vendre, et qui ne blessaient point la justice (car ce qu’on
achète honnêtement, se vend licitement) ; qu’aurait-il fait, lui qui ne
souffrit pas que la maison de la prière devint une maison de négoce ?
Si la maison de Dieu ne doit pas devenir une maison de
trafic, doit-elle devenir un lieu d’ivresse ? Quand nous parlons de la
sorte, les coupables grincent des dents contre nous ; mais nous trouvons
notre consolation dans les paroles du Psaume que vous venez d’entendre : « Ils
ont grincé des dents contre moi. » Nous savons entendre les paroles qui
peuvent nous guérir, bien que leurs fouets tombent à coups redoublés sur le
Christ, car c’est sa parole qui est flagellée : « Leurs fouets,
dit-il, se sont réunis contre moi, et ils ne le savaient pas. »
Jésus-Christ a été flagellé par les verges des Juifs, il est flagellé encore
par les blasphèmes des faux chrétiens ; ceux-ci multiplient les coups
contre le Seigneur leur Dieu, et ils ne le savent point. Pour nous, faisons,
autant que lui-même nous en donne la grâce, ce qui est marqué au même Psaume :
« Mais moi, pendant qu’ils me tourmentaient, j’étais revêtu d’un cilice, j’humiliais
mon âme par le jeûne. »