Conversation dans un train : Dieu existe-t-il ?

Conversation dans un train : Dieu existe-t-il ?


extrait de la vie de saint Maximilien Kolbe

Nous avons quitté Przemysl et le train nous portait à grande vitesse en direction de Cracovie.
Près de la fenêtre était assis, l'un en face de l'autre, deux jeunes. Un d'eux était artiste et peintre de portraits et, comme la conversation le laissait entendre, juif. Nous discutions de la fin de l'homme et nous en étions arrivés à affirmer que cette fin était justement de nous faire semblable à Dieu, c'est à dire à la gloire externe de Dieu, et que cette fin seule constitue la pleine félicité de la créature.
A une station monta dans notre compartiment, parmi d'autres, une personne cultivée qui s'assit exactement en face de moi et s'associa tout de suite à notre compagnie. "Mais pouvons-nous savoir si Dieu existe?" commença-t-il.
"Certainement"
"Vraisemblablement on peut seulement croire en cela; personne, en effet, n'est capable de démontrer que Dieu existe"
"Ayez la bonté de m'écouter et je vous le démontrerai nettement".
"Sur ce point jamais personne ne réussira à me convaincre"
"Probablement vous refusez à priori toute argumentation"
" Non pas du tout !"
"Moi aussi, je voudrais écouter une démonstration claire sur cette question" intervint une dame qui était assise à côté.
"Je vous prie de m'excuser dis-je, me tournant vers ceux qui étaient assi près de la fenêtre. Je reprendrai après la question que nous traitions, pour satisfaire les personnes qui sont montées dans le train de tout à l'heure".
"Avec plaisir"
"En premier, excusez-moi, quel niveau d'instruction possédez-vous?"
"Universitaire, j'ai étudié le droit"
"Peut-être la philosophie aussi?"
"Cela non : de toute façon qu'est-ce que la philosophie  a à voir avec la foi ?"
"La foi doit être en accord avec la raison et cet accord est réalisé justement par la philosophie, surtout dans la question de l'existence de Dieu. Mais maintenant, il faut que je sache sur quoi nous sommes d'accord, parce qu'il faut commencer par cela, sinon nous construirons sur une base instable. Alors commençons : Existez-vous ?"
"Oui. Cependant, je suis seulement une partie du monde".
"je vous en prie, de ce que nous sommes nous discuterons après : pour le moment je vous demande si vous existez".
"Certainement".
"et vous Madame ?"
"Je l'affirme, moi aussi".
"Y-a-t-il peut être quelqu'un de vous qui pense différemment ?"
Tout le monde consent.
"Notre existence donc est certaine."
" Cela je ne le dirais pas".
"Et pourquoi ?"
"Parce que en général nous ne pouvons rien connaître avec certitude; ce que certains affirment les autres le nient"
"Pour cela vous n'êtes pas certains d'exister ?"
"Je suis seulement une petite partie de la matière qui existe dans l'univers".
"Pour moi il ne s'agit pas de ce que vous êtes - je le répète - mais du fait plus général que vous existez, c'est-à-dire, du fait que vous êtes quelque chose, que vous n'êtes pas rien".
"Evidemment, je ne suis pas rien".
"C'est certain ?"
"Oui"
"Avez-vous une montre, Monsieur ?"
"Oui", répondit-il, mettant la main à son gousset.
"Vous appartient-elle ?"
"Oui, c'est la mienne"
"Certainement ?"
"Sans aucun doute"
"Excusez-moi, mais si vous en aviez eu un doute je vous aurais demandé de me la donner et de la mettre dans ma pochette (ceux qui sont présents rient). Donc votre prémisse, selon laquelle nous ne pouvons rien connaître avec certitude est fausse, puisque vous considérez votre propre existence comme un axiome et vous n'avez aucune envie de mettre en doute que cette montre vous appartienne. Et moi, n'existais-je pas, peut-être?"
"Oui"
"Et cette dame, et ce monsieur, et enfin nous tous ici présents?"
"Eux aussi"
"Vous en êtes certain ?"
".Oui, j'en suis certain"
"Mais pourquoi dîtes-vous cela ?"
"Parce que mes yeux me le disent clairement".
"Et ces champs et ces prés qui passent devant nos yeux aux fenêtres du wagon, et le monde entier, et les étoiles qui sont au-dessus de nos têtes, existent-elles ?"
"Eux-aussi, enfin je reconnais désormais que ce que nous apercevons avec nos yeux doit exister : Dieu, cependant, nous ne le voyons pas".
"Excusez-moi, mais la locomotive avance-t-elle ?"
"Evidemment"
"Vous en êtes certain ?"
"Oui, je le suis"
"Mais la voyez-vous ?"
" Non mais si la locomotive n'avançait pas notre wagon n'avancerait pas non plus"
"Donc désormais vous reconnaissez que nous pouvons connaître quelque chose non pas seulement par la vision directe, mais que nous réussissons à connaître une cause particulière en partant d'un effet. C'est vrai ?"
"Oui"
"Qu'est-ce que cous diriez d'un homme qui à propos de sa montre, raisonnerait de la façon suivante : Cette caisse métallique s'est détachée par pur hasard dans une minière, s'est fondue toute seule d'une manière singulière, s'est purifiée et a pris la forme que nous voyons maintenant. Aussi l'inscription s'y est gravée par pur hasard. Même le cristal s'est fondu et s'est affilé par pur hasard. Les engrenages se sont faits tous seuls. Et les autres parties qui composent cette montre se sont formées elles-mêmes par le plus pur hasard et, enfin, se sont mises toutes ensemble comme nous les voyons actuellement sans besoin d'un esprit humain, comme par hasard ? Si cet homme affirmait de telles choses sérieusement, qu'en diriez-vous ?"
"Que vraisemblablement il a une araignée dans le plafond"
"Cependant, dans la nature nous avons des organismes formés d'une manière incomparablement plus mystérieuse. Assurément vous vous émerveillez quand vous étudiez l'anatomie, la composition même de seulement un oeil humain. Combien de parties diverses, aussi délicates soient-elles et qui servent magnifiquement pour voir. La nature entière est composée de milliers et millions d'organismes qui vivent, qui se développent et qui se reproduisent. On pourrait donc affirmer que ces merveilles de la nature soient un pur hasard ?"
Quelqu'un pourrait-il dire tout cela n'arrive pas sans une cause, c'est vrai ; mais ces causes à leur tour ont leurs propres causes, et celles-ci en ont encore d'autres. Néanmoins en cette série des causes, poussées peut-être à l'infini, ne devons-nous admettre une cause première et cette cause, c'est Dieu".
"C'est évident".
Sur le visage de ce Monsieur on remarquait une espèce d'étonnement, dû au fait qu'auparavant il n'était jamais arrivé à une telle conclusion : peut-être dans le passé n'avait-il jamais réfléchi à une telle vérité.

                       St Maximilien Kolbe - Janvier 1923 (SK1024) - Traduit de l'italien par Patrick Kallio